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Opinion

Quelques raisons d’y réfléchir à deux fois avant de célébrer la fête du Canada

Tu as congé le 1er juillet parce qu’il y a 150 ans, on a créé un pays sur un territoire déjà occupé.

Le Canada se prépare à fêter ses 150 ans en grand, mais cet anniversaire n'est pas du tout matière à célébration pour beaucoup, dont les communautés autochtones.

Tout d'abord, un petit retour rapide dans le passé. Parce que, soyons honnêtes, le contenu de vos cours d'histoire du secondaire a été écrit par ceux qui sont ressortis gagnants. Vous n'avez pas eu la version exacte des faits.

Personne n'est sans savoir que depuis des millénaires avant l'arrivée des Français de Jacques Cartier, avant les Britanniques et avant les colonies, les Amérindiens occupaient le territoire aujourd'hui appelé Canada. Comme c'est une chose que l'homme occidental a toujours aimé particulièrement faire, les Européens ont décidé de « découvrir » des terres déjà habitées et de s'y installer, tout en s'efforçant d'anéantir la culture et l'identité des nations autochtones qui vivaient déjà là.

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Le Canada a été fondé il y a 150 ans sur un territoire colonisé, volé.

Selon Widia Larivière, militante féministe pour les causes autochtones, « pour beaucoup d'entre nous, l'histoire du Canada, c'est l'histoire de la dépossession territoriale, de la dépossession culturelle, de tentatives de génocide et d'assimilation des peuples autochtones ».

Elle décrit tout le malaise qui entoure les célébrations du 150e anniversaire du pays, malgré le fait que les communautés autochtones soient incluses dans les activités. « Comme plusieurs autres personnes et groupes autochtones, j'ai pas vraiment envie de célébrer », affirme la jeune femme d'origine anishnabe.

Le 1er juillet 1867, la première loi constitutionnelle a été promulguée et le territoire regroupant les colonies du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et du Québec est devenu le Dominion du Canada, nation sous domination partielle britannique.

Il a été décidé à ce moment que le gouvernement canadien devenait entièrement responsable du sort des autochtones. Les Britanniques avaient déjà bien amorcé le travail de colonisation, mais, après ce 1er juillet, un autre tournant a été pris concernant les Amérindiens. En plus de les priver de leurs terres, on s'est efforcé de les dépouiller de leur culture pour les assimiler à celle des Blancs et leurs droits d'autodétermination ont été révoqués. La Loi sur les Indiens, en 1876, a rendu le tout officiel. Réserves, pensionnats, violences physiques et psychologiques, tentatives d'assimilation et tant d'autres problématiques… C'est cette réalité qui constitue l'histoire du Canada qu'on fêtera allégrement cette fin de semaine.

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« Cette célébration perpétue l'insouciance, l'inconscience et l'indifférence sociale par rapport aux causes autochtones », dénonce Widia Larivière. Les festivités du 150e font d'après elle partie du phénomène de « l'industrie de la réconciliation », un terme employé pour décrire cette façade basée sur l'image, le symbolique et la fête, qui au fond cache « des violations graves des droits humains des peuples autochtones qui continuent encore aujourd'hui ».

Le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada affirme que « des millions de Canadiens participeront à des célébrations partout au pays, mais [que] c'est aussi notre devoir en tant que Canadiens de comprendre que ce n'est pas le cas pour tout le monde ». Le gouvernement se dit résolu à renouveler sa relation avec les peuples autochtones et s'engage « plus que jamais » dans un processus de réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

« Même s'il y a des initiatives qui reconnaissent la présence autochtone, il faut se rappeler qu'au-delà de la réconciliation symbolique, il y a des outils concrets qui existent pour le respect des droits des peuples autochtones et pour la réconciliation », nuance toutefois Widia Larivière. Elle ajoute qu'il est nécessaire de tout d'abord rappeler que l'histoire du Canada est une histoire coloniale.

On nous invite à nous coller de faux tattoos du drapeau canadien dans le visage et à participer aux nombreuses activités organisées pour le 150e (le tout pour la modique somme de 500 millions de dollars) et on oublie le fait qu'il n'y a pas vraiment de quoi être fiers.

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Protester plutôt que célébrer

Le mouvement de contestation Idle No More a lancé un appel pour « une fête nationale d'action en soutien à l'autodétermination autochtone quant aux territoires et ressources ». Idle No More dénonce et refuse de célébrer le vol culturel et territorial qui a été permis dans le cadre constitutionnel à partir de 1867.

Le mouvement a aussi établi une liste de demandes adressées au gouvernement Trudeau, notamment une reconnaissance des droits et titres autochtones collectifs ainsi que de leur pouvoir décisionnel sur leurs territoires, une mise en œuvre intégrale des appels de la Commission de vérité et réconciliation et la mise en œuvre intégrale de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

« C'est une occasion de rappeler qu'au-delà de la réconciliation symbolique, il y a des aspects concrets à réaliser de la part du gouvernement », dit Widia Larivière.

La militante est l'une des initiatrices du mouvement Idle No More au Québec. En 2012, elle s'est jointe à Melissa Mollen Dupuis pour créer une branche québécoise, puisqu'aucune initiative n'avait été prise dans la province plusieurs mois après la création de Idle No More. « Chez les jeunes autochtones et chez les femmes notamment, ça a ravivé une fierté identitaire, mais aussi un désir de s'impliquer pour la cause et dans la communauté », estime Widia Larivière.

Les mouvements autochtones ne sont pas les seuls à s'insurger. La Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC), par exemple, prévoit elle aussi une protestation contre la célébration du 150e. La manifestation « anticoloniale et anti-impérialiste » prendra son départ samedi matin au parc de la place d'Armes.

Outre la contestation, Widia Larivière estime qu'il y a une occasion de se servir de cet événement pour « faire un rappel sur l'histoire coloniale et rappeler qu'il faut célébrer la résistance et la résilience des peuples autochtones ».

Pour certains, le boycottage total est de mise, pour d'autres, il faut plutôt se joindre à fête pour faire un pas vers le pardon. « Il y a différentes approches par rapport à notre relation au 150e, mais, en général, je ressens surtout le non-désir de célébrer chez les autochtones, dit la militante. Personnellement, je réussirais jamais à me dire que le côté célébration, c'est quelque chose de correct. »