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Culture

Dix questions à une traductrice de films pornos

Le plus difficile, c’est de trouver des équivalents pour des termes d’art comme GILF.

Récemment, on m’a confié la traduction d’un synopsis de film documentaire. J’ai fait appel à mon amie Sophie, qui elle est traductrice professionnelle, pour discuter des particularités de la tâche et, à ma grande surprise, j’ai appris qu’elle se spécialisait maintenant dans la traduction de films pornos.

Puisque le sexe et la traduction sont deux de mes sujets préférés, je n’ai pas pu m’empêcher de lui poser mille questions sur les difficultés et les joies de traduire des films pour adultes et, surtout, sur les effets que ça peut avoir sur son imaginaire érotique.

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VICE: Est-ce que tu penses que ton client t’a confié ce contrat parce qu’il te soupçonnait d’être cochonne?
Peut-être qu’il trouvait que j’avais l’air plus ouverte que les autres traductrices. Peut-être que j’ai l’air cochonne aussi, mais je ne le sais pas.

Est-ce que tu regardais beaucoup de pornographie avant d’en traduire?
Quand j’étais petite, je suis tombée sur la collection de vidéocassettes de mon père, et après j’ai continué à en consommer, mais de façon très sporadique. Je lis surtout des nouvelles érotiques sur un site français à l’esthétique douteuse qui s’appelle Rêve bébé.

En quoi consiste ton travail?
Quand j’ai commencé il y a deux ans, je traduisais seulement des titres et des synopsis de films pornos à partir de documents écrits. Depuis un an, je dois aussi en regarder, décrire ce qui se passe scène par scène et retranscrire les dialogues. Jusqu’à maintenant, j’ai traduit des films relativement normaux à propos de femmes très cochonnes tels que Brouteuses en plein air, Ma chatte poilue ou encore Belle et exigeante, mais aussi des films plus dérangeants comme Orgie de mamies.

Orgie de mamies est le film le plus dérangeant que tu as eu à traduire?
Oui. Il met en scène un jeune étalon et des femmes très âgées, et les écarts d’âge intenses, je trouve ça spécial. Jusqu’à maintenant, on ne m’a pas confié de films trop dégueulasses. Par contre, en faisant des recherches, je suis tombée sur une tendance qui est de placer un entonnoir dans l’anus d’une fille et d’y mettre des ingrédients qu’elle doit déféquer, cuire et manger. Ça, c’est dérangeant, mais, des films comme ça, je n’en traduis pas.

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Utilises-tu des outils spécifiques pour traduire ce type de contenu?
J’utilise les mêmes outils que pour faire de la traduction normale, mais je te dirais qu’Urban Dictionary est mon meilleur ami. C’est mon outil principal de référence pour traduire des mots spécifiques aux fétichismes comme par exemple GILF, qui désigne « les grands-papas et les grands-mamans sexys ».

Est-ce que tu rédiges dans un français international ou québécois?
Le porno qu’on me confie s’adresse à un public québécois. Par contre, je n’utilise jamais le mot plotte pour traduire pussy. Je mets chatte ou noune. J’aime ça, noune, je trouve ça plus beau que plotte.

Comment traduis-tu les autres mots les plus récurrents?
Le mot hunk revient souvent pour désigner « des hommes avec de très gros membres » et je le traduis par homme bien monté. Il y a stud que je remplace par jeune étalon ou encore co-ed par collégienne ou étudiante. Il y a aussi bareback ou raw que je traduis par au naturel ou à cru parce qu’on peut dire que « les cavaliers montent à cru », et ça signifie « sans selle ». Ça demande quand même de la recherche.

Quelles sont les difficultés techniques que tu rencontres?
Il n’y en a pas vraiment. C’est assez simple en général. Par contre, le porno américain comporte beaucoup d’acronymes ou de mots accrocheurs qui n’ont pas d’équivalents en français, et ça me pose surtout problème pour les titres parce que je dois respecter une limite de caractères. Par exemple, j’ai traduit Chocolate Loving MILF par Maman aime le chocolat et Girls Masturbate Together par Elles se touchent. Ça semble simple, mais c’est difficile à traduire. Parfois, je dois me résigner à mettre des titres très moyens comme pour 19 Seeking 60 Year Old Cock, que j’ai traduit par 19 ans aime vieux.

Est-ce que les films pornos que tu traduis influencent ton imaginaire érotique?
Les scénarios sont tellement stéréotypés, tellement loin de ce que je regarde pour mon plaisir, que je te dirais que non. Je suis plus du type Erika Lust, je regarde plus de la porno qu’on dit féministe dans laquelle tout le monde jouit et tout le monde a du fun. Mais, à bien y penser, il y a un film dont le titre est quelque chose comme « Échange au manoir » que j’ai trouvé assez excitant. Ce sont des servantes qui font plaisir à une femme dans une chambre luxueuse. C’est assez hot.

Es-tu constamment excitée en travaillant?
Non, souvent je suis amusée ou dégoûtée. Par contre, comme le client exige que je sois extrêmement explicite dans mes choix de mots, je dois me mettre dans un état d’esprit particulier et m’imaginer que je suis excitée pour effectuer la meilleure traduction possible. C’est étrange de regarder ces images et d’avoir ces mots très crus en tête. Ça l’était surtout avant quand je travaillais du bureau et qu’il y avait des gens autour de moi. Maintenant, je travaille de la maison. Je fais lire certaines de mes traductions à mon chum, qui rigole en me menaçant de m’enfoncer son « marteau-piqueur ».

Sara Hébert est sur Twitter .