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politique

Harper a donné un discours lors d’un rallye organisé par un ex-groupe terroriste

Sa porte-parole assure qu’il n’endosse pas le MeK, ni aucun mouvement politique iranien.
Crédit photo : La Presse Canadienne/AP, Jose Luis Magana

30 juin, Paris, rallye pour la libération de l’Iran. L’ex-premier ministre conservateur Stephen Harper dénonce le gouvernement iranien, un « régime cruel et tyrannique », devant les quelque 25 000 personnes réunies. « Je suis ravi d’être ici avec toute la délégation canadienne pour appuyer la fin du régime, à l’arrivée d’un Iran libéré et démocratique », lance-t-il d’entrée de jeu.

Le hic : le rallye est organisé par le Mojahedin-e Khalq (MeK), un groupe que le gouvernement Harper considérait comme terroriste en 2012, souligne le National Post.

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Harper s’attire ainsi de nombreuses critiques. « L’ancien premier ministre canadien Stephen Harper […] soutient ouvertement un ancien groupe terroriste, un culte non démocratique et complètement illégitime qui n’est PAS, d’aucune manière, une alternative au régime actuel en Iran. Wow. », écrit notamment sur Twitter le professeur adjoint à l’Université d’Ottawa et ancien analyste stratégique sur le Moyen-Orient du ministère de la Défense, Thomas Juneau.

Expert en politique iranienne au Centre pour la sécurité internationale et la coopération de l’Université Stanford, Farzan Sabet juge que la présence de Harper au rassemblement témoigne de la « naïveté des politiciens occidentaux », ainsi que de la « sophistication des opérations politiques du MeK », rapporte le National Post.

Mais quel est ce groupe?

Le MeK a été fondé au milieu des années 60, en opposition à la monarchie iranienne. Son dirigeant, le shah Mohammad Reza Pahlavi, était en voie d’occidentaliser le pays, et avait pour plan d’améliorer les conditions des femmes, entre autres. Ça a déplu aux mouvements plus conservateurs. Le MeK a appelé notamment à la « mort de l’Amérique ».

En 1979, le MeK participe au renversement de la monarchie, remplacée par la République islamique d’Iran et menée par l’ayatollah Khomeini. Le MeK refuse de lui céder le pouvoir et se lance dans une série d’attentats contre le gouvernement.

En 1981, le groupe est déclaré l’ennemi du gouvernement iranien. On force ses membres à l’exil. Un rapport gouvernemental américain, rédigé en 1992, indique que « depuis 1981, le [Mek] a revendiqué des milliers de meurtres d’Iraniens décrits comme des agents du régime. »

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Le groupe s’est même opposé à l’Iran lors de la guerre Irak-Iran, dans les années 80, prenant les armes aux côtés de Saddam Hussein.

Aujourd’hui, le MeK n’emploie plus la violence, un changement qui s’est opéré notamment grâce à l’invasion américaine en Irak, en 2003; l’armée américaine a participé au désarmement du groupe.

Le chef du MeK Masoud Rajavi a alors disparu dans la brume. Sa femme, Maryam Rajavi, est demeurée à la tête du mouvement.

Les États-Unis ont retiré le MeK de la liste des groupes terroristes en 2012; le Canada a fait de même.

Presque une secte

En entrevue avec VICE en 2014, Masoud Banisadr, un ex-membre haut placé du MeK a dénoncé l’aspect « sectaire » du groupe « islamiste-marxiste » qu’il a rejoint en 1979.

Il parle du culte voué aux deux chefs, Masoud et Maryam Rajavi. « Les membres devaient se couper de leur famille, et laisser tomber leur personnalité », témoigne Masoud Banisadr.

« Je me souviens que nous devions décrire notre ancienne personnalité dans une colonne sur un tableau, et notre nouvelle personnalité dans une autre. Je me souviens qu’un homme a dit “Mon frère travaille pour l’ambassade iranienne à Londres. Avant, je l’aimais comme mon frère, mais maintenant je le hais comme mon ennemi. Je suis prêt à le tuer demain, s’il le faut.” Et tout le monde a applaudi. »

Les membres étaient incités à divorcer de leur partenaire. Les interactions entre homme et femme étaient interdites et la sexualité entièrement réprimée.

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Masoud Banisadr tenait un rôle de représentant du MeK auprès des politiciens occidentaux, et devait justifier les crimes de l’organisation comme étant leur dernier recours.

Un reportage 2011 du New York Times témoigne d’« efforts de lobbying extraordinaires pour se défaire du qualificatif de terroriste ». Les politiciens américains qui prononçaient des discours dans les événements du MeK étaient payés entre 10 000$ et 50 000$ US. On leur a même offert le déplacement à Paris, Bruxelles ou Berlin.

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Pas un soutien au MeK

En réponse aux critiques qui ont fusé vers Harper, sa porte-parole a assuré que son discours n’était pas venu en soutien au MeK, bien qu’il ait appuyé la fin du régime actuel.

« L’événement Free Iran a reçu des milliers de dissidents iraniens, de tous contextes politiques à travers le monde », a dit Anna Tomala, de Harper & Associés, rapporte le National Post. « Mr. Harper n’a pas et ne va pas endosser de mouvement politique ou de candidats en particulier. »

Harper a toutefois commencé son discours en saluant Maryam Rajavi, dirigeante du MeK. Elle est présentée par eux comme étant la « future présidente d’Iran », figure de la résistance.

Justine de l'Église est sur Twitter.