À Tahiti, la cuisine du monde se déguste dans les « roulottes »

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À Tahiti, la cuisine du monde se déguste dans les « roulottes »

Curry thaï, riz sauté ou poisson mariné, les menus de ses « food trucks » reflètent toutes les cultures qui ont influencé l’histoire culinaire de l'île.

À la fenêtre de Roulotte Kim, une femme – peut-être la fameuse Kim – refuse de vendre à des touristes maladroits un plat de riz cantonais au poisson salé. « Le sel, c’est pour moi, lance-t-elle. Pas pour vous. »

J’insiste mais elle est bornée. Elle se cache même derrière une peu crédible rupture de stock : « On est à court de poisson salé ». Je finis par opter pour un « mixte », un délicieux lot de consolation parsemé de morceaux chelous de saucisse chinoise, de crevettes, de chou et d’oignon. Le tout est accompagné d’une jolie colline de riz sauté assaisonné avec un peu d’huile et de soja.

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La Polynésie française est un paradis culinaire qui compte de nombreux restaurants dont certains vous serviront un Château d’Yquem avec du foie gras au torchon – idéal pour une lune de miel. Pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’envoyer du Sauternes hors de prix, sachez que l’île regorge de petites merveilles bien plus accessibles.

À Papeete, la capitale de Tahiti, la plupart se trouvent sur la place Vaiete, tout près du port, à côté de la station de ferry. Il y a là une dizaine de food trucks fidèles au rendez-vous. Leurs fenêtres s’ouvrent dès que le soleil commence à baisser. Ces « roulottes », comme on les appelle ici, sont généralement et stratégiquement installées sous les lampadaires qui éclairent les noms et logos dessinés sur leurs stores : « Tuk Tuk Thai and Asian Food », « Crêperie du Port : depuis 1984 ».

À gauche, le chao mein de Roulotte Kim. À droite la devanture de La Boule Rouge.

Les snacks francophones sont très populaires. Par exemple, La Boule Rouge se définit comme « dealer agréé de Nutella ». La pâte à tartiner est parfois étalée avec des morceaux de banane sur les crêpes importées par les Français au moment de la colonisation de l’île en 1842.

Ces archipels du Pacifique sont beaucoup plus proches de l’Asie que de l’Europe, et les menus des roulottes reflètent le mélange des cultures qui a façonné la cuisine locale ; les préparations sautées asiatiques ou les currys thaï, les plats de poisson frais ou mariné typiques de Polynésie, quelques classiques de la cuisine française et même des pizzas.

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Même par 30 degrés en pleine nuit, la dame de Roulotte Kim n’a pas le moindre scrupule à me vendre un superbe steak/frites pour 1300 francs Pacifique – un peu plus de 10 euros. Larges, fins et sans os, les deux morceaux de viande étaient parfaitement grillés, croustillants à l’extérieur et juteux à l’intérieur. Ils étaient servis sur un appétissant tapis de frites et accompagnés d’un petit pot en plastique avec du beurre à l’ail pour les badigeonner.

Le steak frites de Roulotte Kim.

La cuisine de Roulotte Kim n’a rien de sophistiquée. Au rythme de commandes rapides, les frites déjà coupées sortent d’un sac et sont envoyées directement dans un wok frémissant et gras. Entre une journée de plage et un vol pour rentrer au pays, c’est le spot parfait.

Alors que la soirée commence, la place se remplit de locaux. Une famille venue engloutir du poulet et des brocolis, un couple de musiciens tranquillement installés sous leurs chapeaux de paille, ukulélés sur les genoux, attendent leur commande. Devant Chez Jacqueline, un bonhomme fait frire des nouilles sur un monticule de « chow mein » et envoie les assiettes à des clients postés autour de tables décorées de nappes en plastique, fleuries et colorées, avec des baguettes et du beurre. Et juste à côté, des casques de scooters.

L’ambiance est détendue et amicale. À La Vache, une roulotte décorée d’une jolie Jersiaise, je tombe sur un groupe de touristes australiens qui racontent leur journée de plongée sous-marine et mangent des crêpes œufs/champignons et des galettes de blé noir garnies de jambon et de Roquefort. À la bretonne.

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Je n’avais croisé que des requins ou des raies mais ils m’ont bluffé en me racontant le bruit – un ronflement ou une chanson, ils n’étaient pas très sûrs – qu’ils avaient entendu sortir d’une baleine à bosse, alors qu’ils nageaient sur la route migratoire de ces cétacés, dans les eaux qui séparent l’île de Tahiti de sa voisine Moorea.

À gauche, dans les cuisines de Roulotte Marvana. À droite, la Crêperie du Port

La Boule Rouge, un dealer de Nutella « agréé ».

« Où est-ce qu’on trouve le meilleur poisson cru ? », ai-je ensuite demandé à un Français vêtu, en tout et pour tout, d’un simple short. Et il m’a envoyé vers la Roulotte Mavan. La rae rae – transsexuelle dans la langue locale – qui était à la fenêtre envoyait les commandes. Elle portait un gardénia sur une oreille.

À gauche, le kebab d'espadon de Roulotte Mavan. À droite, du choa mein cuisiné au wok.

La version du poke – la base de la nourriture tahitienne – qu’elle m’a vendue n’était pas la meilleure que j’ai jamais mangée. Moulés pour former un dôme saupoudré d’oignon vert et de graines de sésame, les cubes de thon marinés dans de la noix de coco et du citron vert auraient mérité un peu plus de sel.

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Mais le kebab d’espadon grillé de la Roulotte Mavan était moelleux et délicieux. J’ai tellement kiffé leur marinade à l’ail et aux piments doux que je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander ce qu’elle y mettait. Sans doute pas la meilleure idée de la journée.

« Ça ? », m’a-t-elle répondu en attrapant un bidon en plastique plein de sauce teriyaki. Elle me l’a montré à travers la fenêtre inondée de lumière fluorescente pour que je puisse mieux voir l’étiquette.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US.