Acteur bourré et cascades dangereuses : des pros nous parlent de leur pire tournage
Du danger d'être cascadeur. Photo tirée du film "Ghost Rider"

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Culture

Acteur bourré et cascades dangereuses : des pros nous parlent de leur pire tournage

La vie d'un intermittent du spectacle n'est pas un long fleuve tranquille.

Un jour ou l'autre, vous vous êtes peut-être dit que vous aimeriez beaucoup jouer dans un film – de Bruno Dumont à Justin Lin en passant par Na Hong-jin, les possibilités et approches sont multiples, les styles divers. Qui ne s'est jamais dit, devant un long-métrage à la qualité médiocre, qu'il pourrait tout à fait remplacer les acteurs tout aussi médiocres ?

Sauf qu'en réalité – et il suffit d'écouter attentivement nos amis intermittents pour s'en convaincre – bosser sur un tournage n'a rien d'une sinécure. Lorsque vous travaillez six ou sept jours par semaine entre 12 et 18 heures par jour pendant des mois au côté de centaines d'autres personnes, il peut paraître difficile de comprendre pourquoi les gens sont autant attirés par ce milieu (même si, en fin de compte, vous appréciez le fait d'ingurgiter quelques verres de rouge en compagnie de Gérard Depardieu sur le tournage de Marseille). Après, il vous faut cohabiter avec l'ego de certains acteurs, les retards inévitables, et quelques accidents mortels ou très graves (il faut savoir qu'aux États-Unis, on dénombre plus de blessés graves et de décès dans l'industrie du cinéma qu'au sein des forces de l'ordre ou de l'industrie minière). Cette pression se ressent à tous les niveaux d'un tournage, des petites mains aux grands pontes, des chefs opérateurs aux assistants de production.

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Nous avons donc tenu à rassembler différents récits de gens ayant bossé dans le cadre d'un tournage. Tous nous ont raconté leur pire expérience de tournage.

Kevin, cascadeur

Ça fait 17 ans que je bosse dans l'industrie du cinéma, et je dois avoir plus de 80 participations à des cascades sur IMDB. Pour tout vous dire, ça n'a rien de glamour. Ma spécialité, ce sont les cascades impliquant du feu. Je détiens un record du monde très particulier : j'ai été « en flammes » pendant plus de trois minutes (ce qui m'a valu de nombreuses brûlures, au passage).

L'année dernière, j'ai dû effectuer une cascade sur une rampe, le tout mêlé à une gigantesque explosion. J'avais fait très attention à bien me préparer. J'ai pris feu à plus de 200 reprises, et j'ai donc pas mal d'expérience. J'ai même été directement visé par un lance-flammes à quatre reprises. Le problème, c'est que dans ce cas-là, j'ai dû faire plusieurs fois la prise, et je n'avais pas réalisé à quel point ma sueur allait rendre inopérant le gel censé me protéger des flammes.

Lors d'une énième prise, alors que je tenais une mitrailleuse dans les mains, je me suis dit que j'avais vraiment très chaud. Au final, l'un de mes poignets a été brûlé – c'est là où la sueur avait fait le plus d'effet, et mon blouson avait en plus enlevé le gel restant. Le plateau a dû appeler des ambulanciers, et j'ai été incapable de bouger mon poignet pendant pas mal de temps.

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Sur un tournage, on vous demande toujours si ça va mais, en réalité, quoi que vous disiez, il faut continuer à tourner. La boîte de production dépense 80 000 dollars par heure et n'a aucun intérêt à reporter le tournage.

Chris, cadreur

Depuis plus d'une décennie dans le milieu, j'ai vu pas mal de choses dégueulasses. J'ai bossé sur Wolverine, Watchen, X-Men, et j'ai compris que la situation s'était tout de même améliorée. En effet, par le passé, vous bossiez avec de la pellicule, et n'importe quelle erreur pouvait vous valoir un licenciement et une mise en ban de l'industrie. La pression était énorme, et ça se ressentait dans les équipes.

Un jour, un cadreur en chef – je n'étais qu'assistant à l'époque – m'avait demandé de lui ramener un sandwich. Je me suis exécuté, et lorsqu'il a avalé la première bouchée, il m'a regardé et m'a hurlé dessus : « C'est ça que tu appelles un putain de sandwich ???? » Et je ne vous parle même pas du nombre de fois où j'ai vu des gens prendre de la drogue, ou de mes bizutages à répétition quand j'étais plus jeune et que les responsables étaient tout sauf sympas à mon égard.

Caroline, maquilleuse et coiffeuse

Au cours de l'été 2016, j'ai travaillé sur une mini-série. Un matin, un acteur s'est ramené totalement bourré – le mec était d'ailleurs connu pour ça. Le problème, c'est qu'il était censé jouer dans toutes les scènes prévues au cours de la journée. Il avait forcément 45 minutes de retard, et dès le maquillage il était intenable. On a tout de même réussi à le préparer, mais après ça il a rejoint son bungalow et s'est endormi pendant une heure.

Le tournage devait avoir lieu dans un hôpital, et à chaque fois qu'on voulait tourner, l'acteur s'endormait entre les prises. Je me souviens, je regardais la scène sur des écrans, et je n'arrivais pas à en croire mes yeux. Le gars n'arrêtait pas de s'endormir. Il n'arrivait pas à dire son texte. Au final, on a appelé une ambulance pour qu'il soit surveillé par des médecins, et on a annulé la journée de tournage.

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Plus tard, on a su qu'il était sorti au cours de la nuit et qu'il était rentré vers deux heures du matin à son hôtel avec pas mal de gens, pour poursuivre la fête jusqu'à huit heures. C'était une perte de temps et d'argent incroyable. Certains acteurs se croient irremplaçables, et font n'importe quoi.

Brad, machiniste

Mon pire tournage n'a duré que 12 jours, mais 12 jours infernaux. Je bossais sur un film à très petit budget qui devait se dérouler dans un hôpital psychiatrique de Vancouver. Il pleuvait, le casting était composé d'acteurs plutôt célèbres, et le réalisateur était l'un des pires trous du cul jamais rencontrés – le type, pour marquer son territoire, allait ouvertement chier dans les bungalows des acteurs, et laissait la porte ouverte pour qu'ils puissent le voir.

L'équipe technique était peu nombreuse, et nous devions courir partout sans relâche. Le budget était de trois millions de dollars, et nous ne savions jamais quand les acteurs allaient être disponibles. Du coup, nous installions tout le matériel et attendions qu'un acteur daigne se pointer.

Un jour, un acteur a débarqué à l'aéroport sans prévenir. Il était prêt à tourner, mais demandait 5 000 dollars en cash pour le faire – évidemment, la production les lui a donnés. Après, ce mec a compris qu'on allait tourner de nuit, et il a refusé. Du coup, on lui a filé encore plus d'argent. Bien sûr, il n'avait pas appris son texte : un technicien était chargé de faire défiler des pancartes derrière la caméra pour qu'il le récite. Ce n'était pas vraiment une diva, il n'avait juste rien à foutre de ce tournage.

Kevin, cascadeur

Alors que je travaillais sur le tournage de Destination Finale 5, j'ai dû doubler un acteur censé mourir à cause d'une grosse clé à molette. En gros, la clé devait être propulsée dans son crâne par accident, et l'acteur ne désirait pas passer par une phase de maquillage fastidieuse. Je bossais sur le tournage, et on m'a demandé de faire ça, ce que j'ai accepté sans problème. Bien sûr, il fallait que j'enfile une sorte de prothèse. Le problème c'est que celle-ci était adaptée au crâne de l'acteur, très différent du mien.

Au final, ça a été l'enfer. Le faux sang que l'on me mettait sur le crâne finissait dans mes yeux, et ma tête était compressée. J'ai dû porter ce truc pendant 12 heures d'affilée, et je n'ai jamais eu aussi mal à la tête de toute ma vie.