FYI.

This story is over 5 years old.

Stuff

La femme qui aimait les héroïnomanes

Ma vie, mes relations, et mes histoires d'amour avec des junkies.
Seringues usagées. Photo de Spencer Platt/Getty Images

Cet article vous est présenté par The Influence.

Il y a quatre mois, j'ai déposé mon copain James* dans un centre de désintoxication. Ce lieu ne m'était pas inconnu. J'avais déjà emmené mon premier mec là-bas, il y a près de dix ans. Pendant que James s'occupait de la paperasse et discutait avec des psychologues, je craignais que son assurance santé ne couvre que les cinq premiers jours de soin – une durée trop courte selon moi pour le « purger » de ses démons. J'avais peur qu'il meure, tout simplement.

Publicité

Une telle situation m'était malheureusement familière. J'ai 27 ans et, depuis dix ans, j'ai connu trois relations amoureuses de longue durée. Les trois mecs étaient héroïnomanes.

Si la drogue est assez présente dans le comté de Delaware en Pennsylvanie – là où j'habite – il ne peut s'agir d'une simple coïncidence. Après ma rupture avec Timothy – le premier mec de la liste – je me suis juré de ne plus jamais sortir avec un consommateur d'héroïne. Malheureusement, ce vœu s'est avéré pieux.

Les gens ont tendance à dire que je tombe amoureuse de la fascination qui entoure une telle addiction. Personnellement, je suis certaine d'avoir été attirée par leur personnalité. D'ailleurs, aucun d'entre eux n'en consommait régulièrement lors de notre rencontre. L'un d'eux a essayé en soirée et est devenu accro ; le second est tombé dans l'héroïne après avoir reçu une prescription de Percocet ; le dernier était en pleine cure de désintoxication lorsque nous nous sommes mis ensemble. Il a fini par rechuter.

J'aimais leur intensité, leur esprit. Ils étaient froids au premier abord mais il ne s'agissait que d'une banale carapace masquant leur sensibilité. Des mauvais garçons qui traînaient avec des durs, des types qui agissaient de manière imprévisible. Ils étaient sociables et sortaient beaucoup – des mecs considérés comme « cool », en quelque sorte. En tant que personne peureuse par nature, j'ai été attirée par la manière dont ils envisageaient l'aventure, et ce que signifiait pour eux « passer du bon temps ».

Publicité

Quand j'évoque leur sensibilité, je fais référence à leur expérience répétée de la souffrance dans leur vie. Le père de James s'est suicidé, laissant derrière lui six enfants, ayant tous des problèmes d'addiction aujourd'hui. Ryan a dû gérer l'alcoolisme de sa mère toute sa vie. Tous prétendaient être capables de faire abstraction de leur souffrance, mais ils étaient perclus de doutes – doutes qui les minaient et les rendaient hypersensibles.

Avec eux, je me suis sentie comprise et aimée. Ils étaient inconsolables mais savaient parfaitement consoler les autres. Puisque je les aimais et qu'ils me traitaient bien, je faisais des efforts pour essayer de les consoler, moi aussi.

Mes amis et ma famille ne toléraient pas leur présence. Ils estimaient qu'une fille comme moi – pom-pom girl pleine de vie – était trop bien pour eux. « Il ne changera jamais » me disaient-ils, ce qui avait pour conséquence de me faire enrager.

Cette condescendance me poussait à m'affirmer et dire haut et fort que les couples autour de moi ne valaient pas mieux que le mien. L'addiction est un drame, certes, mais les couples qui prétendent que « tout roule » cachent souvent des névroses pas forcément plus réjouissantes. En observant les relations de mes amies, j'ai rapidement compris que je n'étais absolument pas jalouse.

Photo via WikiCommons

Je n'ai jamais été inquiète à l'idée que mes copains puissent me tromper. Ils étaient plus que dévoués – on pourrait même parler d'obsession les concernant. Ils m'envoyaient de longues lettres et ne revenaient pas de vacances sans m'offrir un cadeau. Ils s'assuraient constamment de mon soutien.

Publicité

Cet engagement, assez extrême, me perturbait. Une telle passion peut se transformer en chantage – je me souviens de l'un d'entre eux menaçant de se jeter par la fenêtre si je décidais de le quitter.

Dans ce cas-là, on ne peut pas parler d'amour, mais de manipulation – quand on sort avec un héroïnomane, il est indispensable de discerner ces deux notions.

Bien sûr, j'ai connu de nombreux moments délicats – comme le jour où Ryan, en manque de Suboxone, a vomi par la fenêtre de ma voiture. J'avais très peur, j'ai essayé de l'emmener à l'hôpital, mais il a refusé.

Au final, on s'est arrêtés dans une rue un peu glauque du centre-ville de Philadelphie. Ryan a disparu au détour d'une impasse . Des mecs m'ont demandé si je voulais de la drogue. J'ai regardé dans mon rétroviseur, je ne voyais plus personne – j'étais effondrée, je n'arrêtais pas de pleurer.

Quelques minutes plus tard, il était de retour, tout souriant, un diabolo grenadine à la main.

Après avoir passé autant de temps à faire des recherches sur l'addiction, je m'exprime parfois comme une personne en pleine cure de désintoxication.

Mes relations de couple m'ont conduite à adopter des attitudes assez extrêmes : j'ai déjà menacé de buter des dealers qui fournissaient de la came à mon mec, par exemple. J'ai suivi mes copains à la trace pour m'assurer qu'ils allaient bien aux réunions des Narcotiques Anonymes. J'ai appelé des membres de leur famille et leur agent de probation. Mes compétences de détective sont devenues légendaires.

Publicité

Après avoir passé autant de temps à faire des recherches sur l'addiction, je m'exprime parfois comme une personne en pleine cure de désintoxication. Je me surprends à utiliser des expressions comme « le pink cloud ». Je connais le mantra de la guérison par cœur, ainsi que les procédures administratives qui accompagnent un sevrage. D'ailleurs, ces dernières me rendent folle.

Comment se fait-il qu'il soit si difficile de se faire aider ? Combien de fois doit-on lire « RIP » sur Facebook ou tomber sur une nécrologie à propos d'un jeune homme de 24 ans « décédé subitement » avant qu'on puisse résoudre ce problème ? J'ai tellement lutté pour faire accepter Ryan en cure de désintoxication que j'ai ironisé en disant que je ferai une John Q si on ne s'occupait pas de lui.

Photo via WikiCommons

Voir votre copain souffrir à ce point brise le cœur. J'ai vu mes mecs pleurer parce qu'ils ne savaient pas comment couper les ponts avec l'héroïne – cela les conduisait à se détester. Je restais avec eux toute la nuit quand ils étaient en manque. Cependant, l'amour n'est jamais suffisant pour guérir, aussi naïf que cela puisse paraître.

Leur comportement pendant leurs différentes phases de sevrage le prouve. James, qui n'a plus touché aux opioïdes depuis un mois, est persuadé que nous finirons par nous remettre ensemble, alors que je lui répète le contraire.

À chaque fois, j'ai pris la décision de mettre un terme à une relation qui était devenue malsaine. Je suis toujours attachée à mes ex et j'essaie de rester en contact avec eux. En ce moment, ils ont tous décroché.

Aujourd'hui, je n'ai ni regret, ni l'impression d'avoir perdu mon temps en m'impliquant dans ces relations. Sortir avec ces mecs m'a appris à aimer avec plus d'ardeur, à me battre pour celui que j'aime et à ne jamais abandonner une personne quand elle est confrontée à ses démons, aussi malfaisants soient-ils.

* Tous les noms ont été changés. Bree Marie est le pseudonyme d'une femme habitant dans le comté de Delaware en Pennsylvanie.

Cet article a été initialement publié sur The Influence, un site qui relate les effets dévastateurs de la consommation de drogues. Suivez The Influence sur Facebook ou Twitter.