Cuire un pigeon en live à la télé italienne peut vous valoir quelques emmerdes

Carlo Cracco, chef milanais (deux étoiles au Michelin), doit être un peu sur le cul. Il est en train de subir un sale retour de bâton après avoir récemment confectionné un plat en live dans un épisode de Master Chef Italie. Carlo Cracco est un des trois juges de la version transalpine de la célèbre émission, au même titre que Bruno Barbieri et Joe Bastianich, et il a eu le malheur de cuisiner son « piccione a modo mio » (un plat de pigeon avec des navets et des nèfles) lors d'un épisode diffusé en janvier dernier.

Quand Lorenzo Croce, président de l'Institut italien pour la protection des animaux et de l'environnement (aussi connu sous le nom d'AIDAA), a eu vent de la préparation de ce plat, ça ne l'a pas fait marrer du tout. Dans un billet publié sur le site de l'Institut, illustré par un pigeon blanc bien dodu, il a reproché au chef d'être « parti sur » une espèce protégée dans des termes assez belliqueux : « Du point de vue de la loi européenne et de la loi nationale, les pigeons sont une espèce sauvage… Carlo Cracco n'est pas Dieu, il n'est donc pas au-dessus des lois. »

Le message fait référence à la fameuse « Directive oiseaux » (aussi connu sous le nom de 2009/147/CE – dédicace à tous les crypto-analystes), une loi qui protège les oiseaux sauvages et leurs habitats au sein des pays membres de l'Union européenne. Dans la plainte que Croce a déposée au tribunal de Milan (ville où Cracco a installé son « ristorante ») il reproche au chef d'avoir transformé le bon peuple d'Italie en masse scélérate et transgressive.

Selon The Local, Croce se serait même pas mal emporté : « Personne ne remet en cause le talent de chef de Cracco. Mais aller à la télé pour préparer un plat à base de pigeon – un animal protégé par les lois européennes et nationales – est un acte criminel que nous ne pouvons ignorer. »

Lorenzo Croce semble finalement moins se soucier du sort de l'oiseau que de la propagation de la recette à l'échelle nationale : « Diffuser les images de la préparation, c'est inciter les citoyens à commettre des actes criminels en les invitant à ne pas respecter les lois qui protègent les animaux sauvages. »

En fait, cuisiner du pigeon d'élevage est parfaitement « OK » avec la législation européenne. Vous en avez même probablement déjà mangé – les jeunes pigeons domestiqués à la ferme sont parfois rebaptisés « pigeonneau » sur les cartes des restaurants. The Local souligne que de nombreux internautes ont signalé la nuance entre pigeon sauvage et pigeon d'élevage sur la page Facebook de l'AIDAA. Même le président du conseil régional de Vénétie, Roberto Ciambetti, a rappelé que la distinction était établie dans la loi : « L'Europe protège les animaux sauvages », confie-t-il au Fatto Quotidiano. « J'imagine que Cracco a cuisiné un pigeon d'élevage – donc je ne comprends pas très bien pourquoi il faudrait porter plainte ».

Le fiasco du pigeon devrait donc être rapidement digéré. Être un chef reconnu mondialement et innovant n'empêche pas de se payer une petite tranche de publicité négative ici ou là. Cracco avait déjà fait scandale l'année dernière. Il avait été obligé de présenter ses excuses après avoir suggéré qu'un peu d'ail dans des pâtes à l'amatriciana ne pouvait pas faire de mal. Un mec qui s'est relevé de ce genre d'hérésie ne devrait donc avoir aucun problème à se tirer de ce mauvais pas.