Société

Selon un chercheur français, l’obésité des politiciens est liée à leur niveau de corruption

Il a même remporté le prix IgNobel d’Economie décerné à Harvard. Ici, on récompense ceux qui font « d'abord rire les gens et ensuite réfléchir ».
Justine  Reix
Paris, FR
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Au Parlement roumain, 2018. MoiraM / Alamy Stock Photo

Tous les ans, les études scientifiques les plus loufoques et improbables sont mises en avant lors du IgNobel. Comme son équivalent traditionnel, le Nobel, les prix sont rangés par disciplines. Paix, économie, médecine, chimie, il y en a pour tous les goûts. Parmi les gagnants de l’édition 2021, on retrouve une étude qui démontre que la barbe a subsisté à travers le temps grâce à sa capacité à amortir les coups en cas de baston ou encore une autre qui prouve que l’orgasme permet de décongestionner le nez.

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Remises par de vrais prix Nobels, ces récompenses sont décernées à Harvard. Le but : « faire rire les gens et ensuite réfléchir » pour les créateurs du IgNobel. Cette année, un chercheur en France a réussi à tirer son épingle du jeu. Professeur d’économie à la Montpellier Business School, Pavlo Blavatsky a réussi à mettre en lien la corruption d’un pays et l’obésité de ses dirigeants. Concrètement, plus un politicien est gros, plus il y a de chance qu’il soit corrompu. Pour prouver son hypothèse, le chercheur a pris comme exemple quinze pays de l’ex-URSS.

À l’occasion de sa remise de prix, on a rencontré ce chercheur français pour en savoir plus son étude loufoque et un brin provoc.

VICE : Pourquoi cette étude ? Quel était votre postulat de départ ?
Pavlo Blavatsky :
J’ai lu dans le journal l’histoire de Volodymyr Zelensky, un acteur ukrainien qui jouait dans une série un président qui luttait contre la corruption, et il est finalement devenu le favori du premier tour de la vraie élection présidentielle. C’est ce qui m’a fait m’intéresser à la corruption dans le domaine politique. Je me suis rendu compte qu’il n’existait pas beaucoup de mesures objectives sur le sujet. En creusant, j’ai remarqué que la corruption passait souvent par le fait d’inviter les gens au pouvoir au restaurant, comme ça ils ne reçoivent pas de pot de vin et c’est très difficile de prouver qu’il y a corruption. Quand on va aussi souvent au resto, on risque forcément de gagner du poids et une fois qu’on est en surpoids c’est vraiment difficile de perdre ces kilos, on l’a bien vu avec le confinement. J’ai voulu savoir s’il y avait corrélation entre poids et corruption.

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Comment avez-vous procédé ?
On a cherché en ligne des photos de ministres de quinze pays de l’ex-URSS (Arménie, Azerbaïdjan, la Biélorussie, l’Estonie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine et Ouzbékistan). J’ai essayé de trouver des photos de face, prises lors de visites ou conférences, qui ressemblent à des photos de passeport. On a fini par collecter 299 photos de 2017. Et il a ensuite fallu les analyser.

Est-ce que vous avez utilisé un algorithme pour examiner les photos ?
Oui, on a utilisé un logiciel d’intelligence artificielle qui reconnaît les traits humains et fonctionne en plusieurs étapes. On lui a passé des données sur les visages et la stature. Et on l’a entraîné à ce qu’il puisse identifier un visage à une masse corporelle. Nous en avions six types, du mince à l’obésité critique. Une fois que le logiciel était prêt et entraîné, on lui a exposé les visages des politiciens.

Mais comment fait-on pour analyser la corruption d’une personne ?
On a tout simplement repris plusieurs listes mondiales de perception de la corruption. J’ai essayé de prendre toutes celles qui existaient pour les comparer, on a fini par utiliser la Transparency International Corruption Perceptions Index, la World Bank worldwide governance indicator Control of Corruption et Index of Public Integrity. C’est grâce à ces études qu’on a pu attribuer une note de corruption à chaque ministre.

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Combien de temps cette étude vous a pris ?
Beaucoup de temps ! Rien que le fait de trouver les photos, ça nous a pris quatre mois. En tout, cette étude a duré presque deux ans. Si ça été aussi loin, c’est parce que c’était complètement novateur, personne n’avait jamais fait quelque chose comme ça avant. On partait de zéro.

Comment expliquez-vous que les gens les plus corrompus soient les plus gros ? On peut être obèse sans être corrompu non ?
Au début, quand j’ai analysé la corrélation entre l’indice de masse corporelle des ministres et la corruption, on m’a dit que les politiques étaient peut-être plus gros car les habitants de son pays sont aussi plus gros que la moyenne. J’ai donc ajouté dans mes recherches l’indice de masse corporelle des ministres et celui de la population générale et là j’ai trouvé qu’il y avait des différences. Cela veut dire que dans un pays qui est perçu comme corrompu, il est presque certain que les citoyens son moins gros que les politiques. Et ça fonctionne aussi à l’inverse. Dans les pays les moins corrompus, ce sont les votants qui sont plus gros que les politiques car les ministres sont moins invités au restaurant.

Qu’est-ce que vous avez gagné avec ce prix ?
De la reconnaissance, je ne m’attendais pas du tout à ce qu’on s’intéresse autant à mon étude. Pour ce qui du prix, on est loin du Nobel normal (900 000€), là j’ai reçu 10 milliards d’anciens dollars zimbabwéens. C’est pour la blague, je crois que ça ne vaut même pas cinq euros.

Quelles sont les conclusions tirées de cette étude ?
Je pense que l’on pourrait utiliser cette méthode avec les élus locaux, ça pourrait être très utile. La corruption a de graves conséquences économiques. Cela a été prouvé qu’elle retarde le développement d’un pays, ça augmente le coût de certaines constructions comme les autoroutes, augmente la dette publique et ça augmente les dépenses militaires. On a intérêt à lutter contre.

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