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L'homme qui survivait sans boire une seule goutte d'eau

Peter Filak est un végan hardcore qui espère vivre jusqu'à 150 ans grâce à son régime sans eau, sans viande et sans nourriture transformée.

Le corps humain est constitué à 60 % d'eau. En d'autres termes, notre organisme n'est rien d'autre qu'une grosse machine qui passe le plus clair de son temps à produire toutes sortes de fluides. C'est la raison pour laquelle l'être humain moderne s'expose quotidiennement à tout un tas de déconvenues corporelles plus ou moins chiantes comme les épisodes de transpiration intense liés au stress ou, tout simplement, le fait d'avoir à se lever la nuit pour vider sa vessie.

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Mais pour un homme comme Peter Filak, la gestion des fluides corporels n'est qu'une formalité. Partant du principe que s'il n'y a pas de liquide qui rentre, il n'y a pas de liquide qui sort, il a arrêté de boire, tout simplement.

Infirmier de formation, Peter Filak gagne aujourd'hui sa vie en se produisant comme « modèle webcam » – une façon glamour pour dire qu'il est acteur porno en ligne. En parallèle, il possède une chaîne YouTube dans laquelle il publie des vidéos sous l'onglet « santé & lifestyle ». Mais la curiosité du personnage est ailleurs : elle réside dans le fait qu'il prétend avoir bu sa dernière gorgée d'eau le 5 mai 2012, aux alentours de 17 heures.

L'homme a la silhouette fluette affirme réussir à survivre en ingérant uniquement des fruits et des légumes, pour un apport énergétique journalier inférieur à 1 000 calories. Même sa chienne Sachi, un croisé chihuahua-shih tzu-épagneul nain-pékinois, est soumise au même régime. Tous les jours, Peter s'enfile deux pommes et une banane avant d'entamer une balade matinale d'une quinzaine de kilomètres avec Sachi, à qui il donne un kiwi et quelques carottes.

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Sur son site More Apples a Day, il poste des vidéos à propos de nutrition, de maladies et d'addictions diverses. Dans l'une d'elles, il explique que « même si tu filtres l'eau, ça ne fait qu'enlever une molécule à un endroit pour en ajouter une autre ailleurs… Surtout quand l'eau filtrée se retrouve avec du chlore, du fluor et d'autres trucs sympas dans le genre ». Il poursuit : « Quand j'ai commencé le régime cru avec juste des légumes et des fruits, je devais me lever trois fois par nuit pour aller pisser aux toilettes. Du coup je me suis demandé pourquoi je continuais à consommer de l'eau par voie orale. »

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Selon lui, son régime possède un énorme avantage : vu qu'il passe à peu près 0 minute à cuisiner par jour, il a plein de temps libre et d'énergie pour alimenter sa chaîne YouTube (à défaut de s'alimenter lui-même). Son argument fétiche : « je ne sue pas, donc je ne pue pas. »

En ce qui me concerne, je bois mes huit verres d'eau par jour et j'ai tendance à militer pour que tout le monde fasse pareil. Vous imaginez donc à quel point mon sang bien hydraté n'a fait qu'un tour la première fois que j'ai entendu Peter Filak qui transmue l'eau en rien. S'il y a bien une chose dans ce monde sur laquelle je porte ma dévotion, c'est l'eau. Mon premier réflexe quand toutes mes certitudes vacillent, c'est de boire un verre d'eau. Pareil dès que mon corps ne va pas bien, que ce soit un mal de gorge ou une gueule de bois, de l'ennui ou une crise existentielle : un verre d'eau. Je bois donc je suis.

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Peter Filak, lui, doute de la pertinence de l'action même de boire. Il se revendique raw vegan, ce qui signifie qu'il ne mange que des fruits et légumes (et un petit burrito de temps en temps – on en parle dans un instant). Grâce à ce régime, il espère pouvoir augmenter sa durée de vie. Il a 26 ans et vise sans complexes les 150 ans. C'est déjà un vieux rêve pour lui puisqu'il n'avait que 8 ans quand il a décidé de mener une vie d'abstinence face à l'alcool et aux drogues. À la fin de ses essais et autres revendications, il signe toujours : « LIVE longer we will » (« VIVRE plus vieux nous allons » en français).

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J'ai décidé de le contacter par Skype. Quand je l'appelle, il est sur son lit à Seattle, une ville où il a emménagé car il y sent plus d'intérêt pour sa cause qu'en Pennsylvanie, d'où il est originaire. ll cite les livres qui ont façonné sa réflexion : le Rapport Campbell, l'Empereur de toutes les maladies, et quelques documentaires : Forks over Knives et Fat, Sick and Nearly Dead. Il me confie avoir commencé à faire son auto-éducation dès le plus jeune âge.

Il a aussi déménagé à cause de problèmes familiaux : ses parents ont du mal à digérer ses choix de vie.

« Ils avaient tendance à penser que j'étais un petit con. Mais notre relation a connu plein de rebondissements », m'explique-t-il. Son père est un patron d'entreprise à la retraite et sa mère est infirmière. « Quand je leur ai dit que j'étais vegan ma mère s'est mise à pleurer et mon père s'est fâché. Ils ont dit que de toute façon j'avais des TOC et que j'étais sans doute fou. » Mais ses deux parents sont depuis devenus vegans – son père a même fait une détox à base de jus. À la différence de leur fils, ils n'ont tout de même pas abandonné l'absorption des liquides.

Peter a rendu sa blouse d'infirmier fin 2012 à force d'être en désaccord avec les recommandations nutritionnelles données par l'hôpital qui l'employait. « Je me suis rendu compte que les hôpitaux étaient gérés exactement comme les entreprises », se rappelle-t-il.

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Depuis lors, il consacre l'essentiel de son temps à l'écriture. Il a déjà écrit cinq livres (qu'il publie lui-même sur Amazon) dans lesquels il aborde des thématiques aussi variées que l'addiction alimentaire ou la sexualité. Il est actuellement en train d'en écrire deux autres. En plus du temps qu'il consacrait à la réalisation de ses vidéos engagées sur YouTube, il tournait aussi jusqu'à récemment des vidéos pour le site Chaturbate – un site où l'on peut chater et se masturber au même endroit, comme son nom l'indique.

J'appréhendais donc un peu la forme qu'allait prendre mon interview avec ce type. J'en venais même à me dire s'il ne valait mieux pas abandonner l'affaire. Mais c'était avant qu'il me conseille de tester son régime par moi-même.

« Si tu veux donner un angle plus intéressant à ton article, tu devrais accepter mon défi de ne pas boire d'eau, m'avait-il écrit dans un email avant notre session Skype. J'encourage vraiment tous mes lecteurs et ceux qui me regardent sur YouTube qui doutent de mes dires à tester par eux-mêmes plutôt que de me croire bêtement. Pour comprendre ma démarche, c'est un risque nécessaire à prendre. Voilà ce que je recommande :

Le premier jour, tu ne manges rien d'autre que de la pastèque. Tu ne manges et ne bois rien d'autre. À la fin de la journée, tu risques de haïr les pastèques parce que tu vas passer ton temps à faire des allers-retours aux toilettes – c'est d'ailleurs pour ça que je n'en mange pas souvent. Et puis, pendant quelques jours (ou un seul, c'est comme tu le sens), tu ne manges que des pommes ou des poires. Après, pendant un jour ou un peu plus, tu passes aux bananes. Encore après, pendant un jour ou un peu plus, tu passes aux carottes, exclusivement. Il faut enchaîner comme ça. »

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J'ai hésité mais il avait déjà piqué ma curiosité. Je ne voyais aucun risque pour ma santé - j'ai déjà croisé pas mal de survivants d'une semaine détox - mais j'ai quand même préféré checker avec une nutritionniste avant de priver définitivement mon corps de toute espèce de liquide.

Pour Lisa Sasson, professeur de nutrition à New York University, « tout régime qui exclut un type d'aliment est davantage une mode qu'un choix raisonnable. La déshydratation n'est pas à prendre à la légère. Le fluor que contient l'eau est très important pour la santé bucco-dentaire. Elle nettoie le palais, aide les reins et participe à de nombreuses fonctions corporelles essentielles. Je pourrais faire une liste de 20 raisons pour lesquelles l'eau est essentielle au corps humain ».

En gardant cette mise en garde en tête, j'ai commencé à suivre le régime de Peter Filak. J'ai d'abord réussi à passer outre mon rituel quotidien de deux verres d'eau au saut du lit. En route pour le boulot, j'ai acheté une énorme barquette avec des bouts de pastèque pré-découpés. J'étais bien décidée à y mettre toute ma bonne volonté. Jusqu'à l'heure du déjeuner, tout allait bien, je ne me suis pas retrouvé à uriner plus qu'à l'accoutumée.

Mais il y avait un anniversaire à fêter au bureau et mes collègues ont commandé une pizza. Pour info, la seconde chose que j'aime le plus au monde, après l'eau, c'est la pizza. Vous devinez donc ce qui s'est passé ensuite : j'ai complètement craqué. Quand je suis passé à côté de la fontaine à eau cette après-midi-là, c'était comme si je venais d'errer une semaine en plein désert. L'eau qui a coulé ce jour-là dans mon gosier asséché avait vraiment une saveur exquise. Je me suis subitement demandé si, tout compte fait, je ne souffrais pas d'une addiction à l'eau.

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L'addiction, justement, est un thème récurrent dans la philosophie alimentaire de Peter Filak. Il a longtemps été lui-même accro aux fast-foods (ne lui parlez pas de votre dernière orgie de bouffe chez MacDo ou Burger King). Une addiction qu'il adorait confesser sur Twitter (quand son compte était encore actif). Pour parler de toutes ces nourritures plus ou moins transformées ou industrialisées, il emploie le terme de « nourriture moderne ».

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« Je ne regarde plus les personnes dépendantes de la même façon – qu'elles soient accros à la bouffe ou à la coke, c'est deux choses différentes, mais je les comprends, m'explique-t-il. Si quelques individus tombent dangereusement accros à quelque chose, les gens auront tendance à éviter cette chose parce qu'ils vont l'identifier comme étant la cause de l'addiction. Alors que si tout le monde est accro à quelque chose, finalement, ça revient à dire que personne n'est accro à rien. C'est la grosse différence entre l'addiction à la nourriture moderne (à laquelle tout le monde est accro) et un rail de poudre dans le nez (qui ne concerne que les cocaïnomanes). »

En vous appâtant avec un bout de pastèque, Peter Filak n'attend pas pour autant à ce que vous mordiez à l'hameçon : « Je dis toujours aux gens : « faites-vous votre propre opinion ». J'étais très cynique avant, je pensais que le monde était rempli de cons. J'ai choisi un mode de vie qui me semble plus évident, plus naturel. Mais j'ai compris que je ne peux pas forcer les autres à accepter mon point de vue. Je préfère qu'ils se renseignent et fassent des recherches pour savoir ce qui est le mieux pour eux. »

S'il parvient à vivre jusqu'à 150 ans, on boira tous un grand verre d'eau à sa santé. D'ici là, ne vous retenez surtout pas de pisser.