Macaronis, burgers bio et purée : ce que les Européens bouffent à l'hôpital
Photo : Eli Driu

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Macaronis, burgers bio et purée : ce que les Européens bouffent à l'hôpital

Alors que les repas servis dans les hôpitaux français n'ont pas bonne réputation, on a voulu savoir ce que mangeaient nos voisins.

On peut dire sans trop s'avancer que, généralement, traîner dans un hôpital n'est pas une activité « sympa ». Bien que le personnel soignant soit souvent remarquable dans sa capacité à bosser comme un chien avec peu de moyens et encore moins de reconnaissance, on compte assez peu d'authentiques fans de l'institution hospitalière, de ses couloirs froids et aseptisés, de ses patients stockés dans des couloirs faute de places. En France particulièrement, chacun sait que l'état de « l'hôpital » n'est pas bon. Mais au-delà de considérations globales critiques, tout le monde semble capable de partager sa petite histoire traumatisante d'hospitalisation – notamment en ce qui concerne la nourriture, réputée catastrophique, à tort ou à raison.

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En Grande-Bretagne, la problématique est la même. Selon une récente étude, moins de 30 % des hôpitaux londoniens servent de la nourriture « fraîche » aux patients, alors qu'ils sont 77 % à en proposer à leur personnel. Plus tôt dans l'année, les images de repas d'hôpitaux japonais ont fait le tour du monde tant ils semblaient délicieux en comparaison de nos tristes plateaux-repas européens. Nous nous sommes demandé ce qu'il en était d'autres pays européens, et avons donc rencontré cinq nutritionnistes en charge des repas dans cinq hôpitaux européens, pour en savoir plus sur ce que l'on sert aux Pays-Bas, en Suisse, en Roumanie, en Suède et en Serbie.

Henk Hamminga, 60 ans, nutritionniste en chef au MC Slotervaart d'Amsterdam, Pays-Bas

Photo : Alex Krancher

VICE : Bonjour Henk. Ça fait combien de temps que vous êtes responsable de la nourriture dans cet hôpital ?
Henk Hamminga : J'ai commencé en 2014. À l'époque, cet hôpital était en proie à de graves difficultés financières. J'ai donc tenté d'économiser de l'argent en abandonnant la préparation des repas en interne et en ayant recours à un prestataire.

Et comment faites-vous pour vous assurer de la fraîcheur des aliments si vous ne les cuisinez plus à l'hôpital ?
L'entreprise de restauration cuisine des plats quotidiennement, et nous les envoie dans la foulée. Après, nous nous contentons de les réchauffer doucement afin qu'ils ne perdent pas toute leur saveur, leur texture.

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Un repas au MC Slotervaart : de la viande avec de la purée, des brocolis, des haricots verts et du pudding en dessert

Tous les patients reçoivent-ils le même repas ?
Non, nous offrons deux menus différents, qui changent tous les jours. Nous nous adaptons également aux demandes et proposons un menu halal et un menu végétarien.

Mangez-vous ces plateaux-repas ?
Oui, je goûte tous les repas que nous proposons aux patients et, honnêtement, le goût est généralement tout à fait satisfaisant. Pour les patients ayant des problèmes pour avaler ou mâcher, nous mixons tous les aliments pour créer une sorte de smoothie. Dans ce cas-là, vous imaginez bien que le goût n'est pas optimal.

Marco Romano, 33 ans, nutritionniste en chef à l'hôpital Triemli de Zurich, Suisse

Photo : Kamil Biedermann

VICE : Vos patients ont-ils l'embarras du choix ?
Marco Romano : La plupart des patients peuvent choisir parmi cinq menus différents – vous avez le repas suisse traditionnel, le menu végétarien, des en-cas, puis deux menus présentant de la nourriture émincée ou broyée. Les repas changent tous les jours, et nous permettons aux patients de mélanger les menus à leur guise. Les patients peuvent demander des légumes supplémentaires, entièrement gratuits.

Et qu'en est-il de vos impératifs budgétaires ?
Aujourd'hui, la nourriture locale que nous servons est bio à 100 %, mais j'ai bien peur que ça change à cause de restrictions budgétaires à venir. Pour trois repas par jour et par patient, nous dépensons 14 euros. Au-delà de ça, nous nous procurons de la nourriture « spéciale » – comme du lait pour les nouveau-nés souffrant de problèmes digestifs – à des prix exorbitants.

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Un repas à l'hôpital Triemli : du foie de veau, des pommes de terre, une tomate à la vapeur, de la salade de betteraves, une poire et un muffin

VICE : De tous les plats que vous servez, quel est votre préféré ?
J'aime bien quand on prend des risques et que l'on tente de servir des plats modernes – même si ça ne plaît pas toujours à nos patients. La plupart sont des personnes âgées, qui ont tendance à préférer la nourriture traditionnelle plutôt qu'un hamburger à la feta et au chutney de mangue, par exemple.

Après, nous prenons également soin à bien présenter notre nourriture, ce que nous jugeons essentiel. Vous devriez d'ailleurs jeter un coup d'œil au compte Instagram de l'hôpital pour en avoir le cœur net.

Avez-vous des patients particulièrement chiants niveau nourriture ?
Non – certains se plaignent de plats « trop salés », mais je suis à peu près sûr que cela a à voir avec leur traitement, qui altère leur palais.

Ramona Bratu, 47 ans, nutritionniste en chef à l'hôpital universitaire de Bucarest, Roumanie

Photo : Eli Driu

VICE : Bonjour Ramona. À quoi ressemble un menu dans votre hôpital ?
Ramona Bratu : Les menus changent tous les jours et s'adaptent aux contraintes de chaque patient. Avant de décider des menus, un diététicien ainsi qu'un médecin disent ce dont tel ou tel patient a besoin. Aujourd'hui, nous avons peu ou prou 17 menus, afin de satisfaire le millier de patients hospitalisés.

Et combien dépensez-vous par patient ?
Ça dépend des besoins des patients. Nous dépensons à peu près deux euros par repas pour un patient sans obligations alimentaires, et trois euros pour les diabétiques, ou les femmes enceintes. Sinon, les patients sous dialyse ne prennent qu'un repas par jour, qui nous coûte 1,50 euro.

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Un repas à l'hôpital universitaire de Bucarest : du poulet, du riz, une soupe aux légumes, du chou, un chausson aux pommes

Et quels sont les retours des patients ?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que nos patients aiment beaucoup les croquettes de viande, les soufflés.

Et quels sont les plats les moins appréciés ?
Disons que ceux qui ont le moins de chance sont les patients atteints d'une maladie cardiaque – pour eux, pas de sel dans les menus. Du coup, j'aurais beau préparer le meilleur repas au monde, ils le trouveraient fade.

Linda Hagdahl, 40 ans, nutritionniste dans un hôpital de Stockholm, Suède

Photo : Hampus Andersson

VICE : Quel est le menu préféré de vos patients ?
Linda Hagdahl : Les grands classiques, comme les boulettes de viande ou la purée. De la nourriture facile à ingérer, en gros. Pour les enfants, ce sont les tacos, pancakes et lasagnes qui remportent un franc succès.

Notre nourriture est fournie par un prestataire, et nous faisons tout pour la rendre la plus appétissante possible une fois que nous la recevons.

Et comment composez-vous vos menus ?
L'hôpital dans lequel je travaille est un hôpital dédié aux urgences – les patients ne restent donc que trois ou quatre jours maximum. Nous n'avons donc pas autant de choix que d'autres hôpitaux. Nous en offrons deux, en fait : et, évidemment, les allergies sont prises en considération. Avec aussi peu d'options, il est difficile de satisfaire toutes les catégories d'âge, les préférences culturelles. Actuellement, nous construisons une nouvelle cuisine dans notre enceinte, afin d'être en mesure de préparer plus d'une dizaine de menus.

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Un repas dans l'hôpital dans lequel travaille Linda : viande émincée, lentilles, purée, carottes, salade avec de la feta et des olives, abricot recouvert de crème et de sirop

Et comment faites-vous pour améliorer la qualité de vos plats ?
La municipalité de Stockholm a promis d'investir dans les repas hospitaliers. Depuis cinq ans, nous faisons tout pour proposer le maximum d'ingrédients produits localement, par exemple.

Et quelle est la critique la plus récurrente ?
Que la nourriture est tiède – c'est tout le problème du fait de réchauffer les plats. Je suis persuadée que tout ça disparaîtra lorsque nous aurons notre nouvelle cuisine.

Sonja Radakovic, 52 ans, docteure et nutritionniste dans une clinique militaire de Belgrade, Serbie

Photo : Nenad Vujanovic

VICE : À quel point est-il difficile de satisfaire les goûts de tout le monde ?
Sonja Radakovic : Disons que c'est un challenge permanent. Chaque patient suit un régime spécifique, et nous créons près de 20 menus par jour, tout en offrant 1 000 repas en une journée.

Et comment faites-vous pour vous assurer de la qualité de ces repas ?
Tout est question d'organisation. Notre budget annuel est voté très en amont, et nous nous adoptons à ça pour offrir le meilleur service possible.

Un repas dans la clinique de Sonja : macaronis, boulettes de viande et sauce tomate, pain et jus de poire

Et quelles sont les critiques les plus récurrentes ?
Nous avons tenu à interroger nos patients, et 90 % d'entre eux nous ont dit qu'ils étaient satisfaits ou très satisfaits de la nourriture. Après, on ne peut pas plaire à tout le monde. En Serbie, les gens mangent mal, trop gras, trop salé. Ils ne mangent que trop rarement des légumes. Nous essayons de proposer autre chose.

Et le prenez-vous personnellement lorsqu'un de vos patients vous dit que la nourriture est dégueulasse ?
Pas vraiment, parce que de nombreux facteurs entrent en considération quant au fait de ne pas aimer la nourriture. De nombreuses études ont montré que les patients hospitalisés mangent moins que la normale – leur traitement et les conséquences physiques et mentales de l'hospitalisation entraînent très souvent une perte d'appétit. Mon unique objectif est de m'assurer que les repas permettent aux patients de se remettre sur pied.