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FRANCE

La France passe un accord avec l’Algérie sur la formation de ses imams

Le but est de prévenir des dérives extrémistes en encadrant de plus près l’apprentissage des religieux algériens qui viennent prêcher en France.
Photo via muratc3 / Flickr

Le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve s'est rendu en Algérie - plus grand pays d'Afrique et ancienne colonie française et qui a obtenu son indépendance en 1962 - ce jeudi, pour y rencontrer Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien, Tayeb Bélaïz, le ministre algérien de l'Intérieur, et Mohamed Aïssa, le ministre algérien des Affaires religieuses. C'est avec ce dernier que le ministre français a signé à Alger une convention portant sur la formation des promotions d'imams algériens qui partent en France pour y exercer quelques années avant de revenir en Algérie.

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Bernard Cazeneuve a indiqué au cours d'une conférence de presse tenue le même jour que la convention vise à ce que ces imams puissent être formés « en harmonie avec les exigences de la République, qui permettent de lutter contre le dévoiement, l'abaissement [de l'islam] par des groupes sectaires terroristes.»

À lire ici. Le nombre de djihadistes et d'aspirants au djihad aurait doublé en France en un an.

La France est l'un des pays qui comptent une des plus importantes communautés musulmanes d'Europe. Le journal Le Figaro dénombrait en 2011 plus de 2 000 lieux de cultes musulmans sur le territoire français et 90 mosquées - à titre de comparaison, la France compte environ 45 000 églises catholiques. D'après une infographie publiée dans The Economist à l'été 2014, la France est le pays occidental le plus représenté parmi les djihadistes présents en Syrie, avec environ 700 combattants.

Dans une interview donnée au média algérien TSA en septembre dernier, le ministre algérien des Affaires religieuses Mohamed Aïssa avait annoncé des réformes concernant la formation des imams, et avait affirmé que les mosquées algériennes étaient « immunisées » contre les idéologies extrémistes.

En décembre 1991, le gouvernement algérien du Front de libération nationale (FLN) avait annulé les résultats du premier tour de l'élection législative, qui plaçaient en tête le parti du Front islamique du salut (FIS). Ces évènements avaient déclenché une sanglante guerre civile dans les années 90, qui avait opposé l'armée nationale à divers groupes islamistes.

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Ce que l'on peut attendre de l'autopsie des crânes des moines de Tibhirine. À lire ici.

VICE News a contacté Franck Fregosi, professeur à l'Institut de sciences politiques d'Aix-en-Provence et chercheur au CNRS, spécialiste de l'islam en France et de la formation des cadres religieux musulmans. Le chercheur explique qu'un grand nombre d'imams qui prêchent en France ne sont pas Français.

« Une grande partie des cadres religieux en France sont formés en Algérie ou au Maroc, ou encore en Turquie, » précise-t-il.

Pour Franck Fregosi, le gouvernement français cherche donc à influer sur les pays d'origine de ces imams pour qu'ils reçoivent une formation jugée mieux adaptée aux standards de la société française.

« Le gouvernement français essaie de sensibiliser le gouvernement algérien au fait que les imams doivent être formés à la mission qui va être la leur en France, qui a une forte tradition de laïcité, » poursuit Fregosi. « Il veut s'assurer que les imams bénéficient des bonnes clés de lecture, qu'ils prônent un islam en conformité avec la société pluriculturelle dans laquelle ils évoluent. »

Le chercheur ajoute qu'il est possible que les imams étrangers bénéficient par exemple d'une formation complémentaire en France dans des domaines comme le droit français et la sociologie générale de la France contemporaine avant d'être reconnus par les autorités françaises comme prêcheurs à part entière.

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Franck Fregosi estime que la signature de cette convention s'inscrit dans un projet d'encadrement des prédications islamiques cher aux gouvernements français successifs de ces dernières décennies. En octobre 2013, l'ancien ministre de l'Intérieur - aujourd'hui Premier ministre - Manuel Valls avait assisté à la remise de diplômes de la première promotion de cadres musulmans formés à la laïcité par plusieurs universités de la région de Lyon. Manuel Valls avait alors appelé de ses voeux la construction d'un « islam de France ».

Le ministre français a profité de la signature de cette convention pour réaffirmer la position du gouvernement français vis-à-vis du terrorisme et de l'islam, en déclarant que les « actes terroristes abjects et barbares n'ont rien à voir avec la religion musulmane ».

La signature de cette convention intervient quelques jours après que le ministre Bernard Cazeneuve a indiqué au cours du conseil des ministres du 17 décembre que le nombre de djihadistes et d'aspirants au djihad aurait doublé en France en un an.

Si la signature de cette convention est certes motivée par une volonté de renforcer la parole d'un islam modéré, pour le spécialiste on ne peut pas voir de lien direct entre ces deux déclarations.

« Il n'a pas été démontré qu'il y avait un lien direct entre la fréquentation de lieux de cultes et la radicalisation, » dit-il. Il ajoute : « La radicalisation ne passe dans la plupart des cas pas par les mosquées, mais par internet et par des réseaux parallèles. Il existe une très grande méfiance vis-à-vis de la radicalisation au sein même des communautés. »

Sollicitées par VICE News, les autorités algériennes n'étaient pas disponibles dans l'immédiat pour un commentaire.

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Photo via muratc3 / Flickr