Pour qui le milieu du X français va-t-il voter dimanche ?
Photos fournies par Electre et Doryann Marguet

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Élections 2017

Pour qui le milieu du X français va-t-il voter dimanche ?

À l'approche de l’élection présidentielle, on a parlé politique avec la fine fleur du porno hexagonal.

Il y a deux choses que l'on n'ose pas vraiment dire en France lorsqu'on est attablé avec ses oncles un peu trop spontanés : pour quel candidat on vote, et si on a déjà maté du porno. C'est donc à la vue de ces ultimes non-dits que nous avons décidé d'apporter une lumière brutale sur la présidentielle. Six acteurs et réalisateurs du porn game, femmes et hommes, hétéros, LGBT, militantes, indés ou vieux briscards, ont accepté de partager leur vision de la campagne et leurs attentes pour le pays, leurs enfants, leur industrie.

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La première n'est plus à présenter. Ovidie, réalisatrice phare du X féministe, est la femme derrière Pornocratie, un documentaire qui propose un état des lieux critique du milieu. Doryann Marguet, lui, est un jeune acteur bisexuel que l'on retrouve chez Jacquie et Michel, Dorcel Vision ou encore Fred Coppula Prod. Anoushka, réalisatrice engagée et cinéphile, vient de lancer sa plateforme, Not a sexpert. HPG, acteur, réalisateur et producteur qui vogue du tradi au porn, finalise en ce moment un film préacheté par Canal+. Electre, ex-hardeuse, se consacre à l'activisme pro-FN et à son métier principal, la communication. Enfin, le réalisateur et producteur John B. Root, grand nom du cinéma pour adultes, s'est imposé auprès du public avec la société Explicite Art. Tous ont accepté de répondre à mes questions, et de m'en dire plus sur leur rapport à la politique.

VICE : Allez-vous voter ?
Ovidie : Habituellement je ne vote pas – par conviction. Je n'ai voté que deux fois, dont une fois blanc. Mais cette fois-ci, j'irai au premier tour. Je ne suis pas certaine de m'exprimer au second puisque si on en croit les sondages, mon candidat n'y sera pas. Si c'est Fillon-Le Pen, je ne bougerai pas de chez moi.

Doryann Marguet : C'est mon devoir de citoyen. J'avoue être encore dans l'indécision. J'ai plutôt des opinions socialistes, mais les candidats sont peu convaincants. Hamon semble être un Hollande bis, Macron ne prend jamais parti, Fillon est discrédité. Le Pen se trouve bien trop loin de mes valeurs. Mélenchon reste le candidat le plus intéressant, par élimination. Son programme est séduisant bien que je doute qu'il puisse l'appliquer.

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Anoushka : Je vais généralement voter parce que c'est un devoir et un acquis important pour les femmes. Beaucoup se sont battues pour ce droit. Mais c'est la première fois que je ne sais pas du tout pour qui !

HPG : À 50 ans, je n'ai jamais voté. Je n'en suis pas fier, mais je crois que je vais mourir sans aller aux urnes. Je suis trop nombriliste. Et un homme politique qui dit vouloir me rendre service à ce point-là, je me méfie. Au fond, je suis anarchiste. Ni Dieu, ni maître. Je suis un mec de gauche, mais en tant que chef d'entreprise, mon portefeuille est à droite.

Electre : Le vote, c'est le seul petit droit qui nous reste. Il faut contrebalancer les « mauvais votes ». Moi, ce sera Marine. Pourtant, je suis antidémocrate. Les masses n'ont ni le goût, ni les compétences pour décider raisonnablement de l'avenir d'une nation.

John B. Root : J'ai toujours voté. Ne pas prendre ce droit, c'est laisser Hitler arriver au pouvoir. Même si parfois ce n'est pas rigolo et que l'on se sent obligé de voter utile. Pour moi, au premier tour, ce sera Mélenchon, et au second, n'importe qui contre Le Pen.

VICE : Qu'avez-vous retenu de la campagne présidentielle ?
Ovidie : J'étais partie pour m'en désintéresser, jusqu'à ce que Sarkozy, Hollande et Valls quittent le jeu. Là, j'ai commencé à sortir les pop-corns. Parmi mes passions secrètes, je regarde sur le site de l'INA des débats politiques des années 1970 et 1980. Les discours n'ont pas évolué d'un iota. Je suis fascinée par les ressemblances de cette campagne avec celle de 1981 : après le programme commun signé en 1972, Mitterrand avait lentement niqué Georges Marchais. Les résultats de l'élection de 1981 avaient marqué le déclin du PCF. Il se passe la même chose avec le PS aujourd'hui.

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Doryann Marguet : Je suis surtout choqué par cette lutte acharnée pour le pouvoir. Fillon persiste malgré les scandales qui le font apparaître comme le contraire des valeurs qu'il véhicule. Macron semble être un terrible arriviste, d'accord avec tout le monde. Où est la démocratie dans ce carnaval qui fait le bonheur de la presse satirique ?

Anoushka : Dans les grands partis, aucune femme au programme réaliste n'est candidate. On est encore dans un jeu de virilité où, cette année, la règle est de déballer son linge sale. C'était une campagne de caniveau qui a nourri la décrédibilisation du monde politique.

HPG : J'admire la capacité des candidats à mentir effrontément, ainsi que leur force de travail, leur dévouement, leur gestion de la pression. J'aime les défauts et je voudrais avoir certains des leurs pour me montrer brillant dans mon business. Quand je vois Fillon avec ses costumes, Le Pen prise la main dans le sac, je les trouve culottés. Ils se victimisent et ont un sens de la comédie remarquable. Bravo !

Electre : Les candidats sont des gangsters. Il n'y a pas grand-chose de positif à retenir. La « dédiabolisation » du FN s'est accompagnée d'une purge de grande ampleur au sein du Front : des militants de longue date ont été éjectés sans vergogne. Je trouve ça écœurant. Marine m'a beaucoup déçue. Elle a évincé son propre père, à qui elle doit sa place, alors ça va donner quoi quand elle sera à la tête du pays ?

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John B. Root : À 58 ans, c'est la campagne la plus confuse et la plus bordélique à laquelle j'ai assisté. Tout peut arriver. Le FN et la France insoumise sont au plus haut dans les sondages, ce qui est étonnant pour la France, qui a souvent été dans le ventre mou, avec des gouvernements centre gauche ou centre droit. Il est possible que les gens ne croient plus à la démocratie parlementaire.

« Il n'est pas normal que d'anciennes actrices perdent leur emploi, leur appartement, la garde de leurs gamins, se fassent fermer leur compte en banque, dégager quand elles reprennent leurs études, harceler… C'est du pur sexisme et aucun cadre légal ne les protège. » – Ovidie

VICE : Quelles problématiques politiques vous préoccupent-elles le plus ?
Ovidie : La plupart des sujets abordés durant cette campagne, puisqu'ils sont tous interdépendants. Mais je constate qu'il y a de grands absents : le féminisme et la condition animale. Ce n'est pas surprenant mais décevant, car ce ne sont pas des sous-combats.

Anoushka : Le chômage et la précarité, qui touchent avant tout les jeunes et les femmes. Et les différents discours sur la prostitution. La loi de pénalisation des clients – que la majorité des candidats soutient – m'inquiète, à cause de la stigmatisation qu'elle induit. C'est un débat idéologique et rien n'est fait pour aider au quotidien les prostitués. Abolir la prostitution ne la fera pas disparaître. Elle sera toujours présente, mais cachée. La solution est-elle de marginaliser encore plus les prostitués ? Ça les mettra davantage en danger.

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Doryann Marguet : L'écologie. Ce thème est dans tous les projets, et je suis content qu'il ne soit plus cantonné à un parti politique. Je m'intéresse également à l'évolution de l'Union européenne, à la VIe République et à l'économie, qui est hélas trop souvent le point flou ou occulté des programmes. Enfin, en tant que bisexuel, je reste sensible aux positions des candidats en ce qui concerne les droits LGBT, la Procréation Médicalement Assistée (PMA) et la Gestation Pour Autrui (GPA).

HPG : J'ai toujours entendu « Le Pen, Le Pen, Le Pen ». Cette institution parasite ma vie privée depuis que je suis né. Le principe de la dynastie politique me fatigue. J'en ai assez de voir que ces hommes et ces femmes ont plein de droits que je n'ai pas. Je suis un Français lambda et je voudrais bien me mettre de l'argent dans la poche moi aussi. Je ne suis pas un mec bien, je n'ai pas d'éthique : j'aurais pu faire de la politique. D'ailleurs, en février, pour la promo de ma boîte, j'ai lancé la chaîne YouTube « Chaud Politique », sur laquelle des actrices parlaient de Mélenchon et des autres après avoir tourné une scène X. J'ai reçu tant de messages d'insultes que j'ai tout supprimé. Moi, je m'en fous, mais ce buzz négatif faisait du tort à mes collaborateurs. On est plus censuré, plus violent et moins courageux en politique que dans la pornographie.

Electre : L'immigration, le grand remplacement, la perte de notre culture nationale. J'aime la France, je ne veux pas que ses valeurs et son histoire disparaissent sous l'impulsion de nos élites globalistes, de la finance, de ceux qui poussent en faveur d'un gouvernement mondial. Pourquoi le font-ils ? Parce qu'un peuple déraciné est beaucoup plus facile à manipuler. Dans cette lignée, Marine veut sortir de l'UE, qui représente la perte de notre souveraineté. Élus ou pas, les technocrates tirent les ficelles dans l'ombre. On n'a même pas la main sur nos frontières à cause de l'espace Schengen. La Turquie nous fait du chantage en menaçant de laisser les migrants entrer sur notre territoire. Cette situation hallucinante n'a été rendue possible que parce que nous sommes inféodés à l'UE.

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John B. Root : L'écologie, l'éducation et le social. Il faut se concentrer sur les écoles, l'intégration des jeunes, apprendre à arrêter de détruire la planète, sortir du nucléaire, réparer les dégâts causés depuis la fin du XIXe siècle, lutter contre l'extrême richesse des uns et l'abandon des autres, et dire merde aux banquiers et aux groupes industriels : ce ne sont pas eux qui doivent gouverner.

VICE : Quelles difficultés, rencontrées dans votre métier et votre vie en général, le ou la prochain(e) Président(e) pourrait-il (elle) régler ?
Ovidie : La discrimination à l'égard des femmes qui travaillent ou ont travaillé dans l'industrie X. Il n'est pas normal que d'anciennes actrices perdent leur emploi, leur appartement, la garde de leurs gamins, se fassent fermer leur compte en banque, dégager quand elles reprennent leurs études, harceler… C'est du pur sexisme et aucun cadre légal ne les protège.

Doryann Marguet : Le sexe est un sujet tabou en France. Il n'y a qu'à voir les scandales autour de Strauss-Kahn, la pénalisation des clients des prostitués… Je vois mal comment les conditions de travail pourraient s'améliorer dans le milieu de la pornographie avec un tel environnement politique. Il faut savoir que des taxes spéciales existent uniquement pour le porno. C'est en partie pour cela que la France n'est plus concurrentielle sur le marché international – sans parler des fluctuations euro-dollar.

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Anoushka : J'ai lancé il y a quelques semaines mon site Internet et je suis effarée par la pression fiscale que je subis. Il faudrait soulager les entrepreneurs pendant les premiers mois de leur activité pour envisager l'avenir plus sereinement, sans stresser pour payer son RSI, ses charges sociales… Il est normal de contribuer au fonctionnement de notre pays en s'acquittant des charges, mais quand je vois l'optimisation fiscale des grands groupes mondiaux, je me dis qu'il y a deux vitesses et que ce n'est pas juste !

HPG : Je rencontre peu de difficultés. Je suis un producteur connu, ce sont les autres qui travaillent pour moi. Je suis un mec dans une société machiste, donc je n'ai pas de problème de fond comme les femmes. Par contre, la gratuité d'Internet et les hébergeurs de vidéos porno comme YouPorn – qui se font de l'argent sur mon dos – tuent mon business.

Electre : Sur Twitter, les actrices se font tout le temps insulter. Depuis que j'ai fait mon coming out porn et patriote, ces deux milieux me respectent pour avoir assumé qui je suis… Sauf sur Twitter, où les extrémistes conservateurs me pourrissent depuis deux ans à cause de mon passé dans le porn. Comme beaucoup, je suis touchée par la précarité. Et ça me crève le cœur de voir autant de Français à la rue. La fermeture des frontières est nécessaire pour que les choses aillent mieux.

John B. Root : Le porno va très mal, mais n'a pas été tué pour des raisons politiques. À part quelques députés qui ont voulu l'interdire, depuis la loi de 1976, les politiques ne s'y intéressent pas et n'ont rien compris à ce que c'était… Un facteur de paix sociale ! C'est l'apparition des tubes de cul gratuits – qui représentent 20 % du trafic sur Internet – et des pirates qui nuisent à l'industrie. Sur YouPorn et PornHub, on trouve une majorité de vidéos volées. Impossible de les attaquer quand leur webmaster est au Zimbabwe et leur responsable juridique aux États-Unis. En France, Dorcel et Jacquie et Michel sont les seuls à s'en sortir. Les autres rament et ont perdu le droit d'être ambitieux.

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« J'aimerais qu'on cesse d'avoir un discours abolitionniste et qu'on considère les acteurs et actrices comme des actifs à part entière, qui travaillent, cotisent et vivent de leur métier. » – Anoushka

VICE : Comment aider l'industrie du porno ?
Ovidie : La pornographie est variée ; c'est un sujet sérieux, qui nous concerne tous – les chiffres le prouvent. Or, on se contente souvent de postures binaires : « pour » ou « contre ». Il faut nommer au sein de différents ministères – famille et droits des femmes, numérique, culture – des gens compétents qui travaillent sur ces questions sans tomber dans la panique morale. Le prochain président devra faire en sorte que la loi de protection des mineurs soit réellement appliquée, ce que Laurence Rossignol a amorcé en mettant en place des groupes de travail. Je ne comprends pas qu'on laisse des sites qui génèrent des milliards de connexions par an entraver la loi en toute impunité. Il faut se pencher sur le piratage et le droit à l'image chez les acteurs et actrices. Des femmes ont vu leur vie brisée parce que des vidéos qu'elles ont tournées par le passé ressurgissent sans leur consentement sur des sites de streaming gratuits. Pour l'instant, aucune loi ne leur permet de faire retirer ces vidéos.

Doryann Marguet : Il faut supprimer ces fameuses taxes qui datent de l'âge d'or de l'industrie du porno et sont désormais désuètes. Les producteurs n'ont plus les mêmes budgets et retours sur investissement qu'autrefois. Il serait également bon d'assouplir le statut d'autoentrepreneur en se basant sur le modèle britannique, afin que les acteurs et actrices puissent vraiment vivre de leur métier.

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Anoushka : J'aimerais qu'on cesse d'avoir un discours abolitionniste et qu'on considère les acteurs et actrices comme des actifs à part entière, qui travaillent, cotisent et vivent de leur métier. Qu'on arrête de dénigrer le travail du sexe. Que les actrices soient plus protégées. Que le porno ne soit plus honteux et qu'on favorise la mouvance du porno éthique, respectueux. Qu'on féminise cette case adulte. Il est important que des femmes apportent leur regard sur le sexe et ne laissent plus le porno exclusivement aux mains des hommes.

HPG : Je ne reproche pas aux gens d'aller voir des films gratuitement, il m'arrive de le faire. Mais il faut lutter contre ces hébergeurs. On pourrait très bien faire un procès à YouPorn. Il y a des moyens légaux d'arrêter cette escroquerie. L'Angleterre a légiféré, elle. Mais comme ce n'est pas un sujet porteur en France, rien n'est fait dans ce sens. Quel candidat va mettre un alinéa sur l'industrie du porno dans son programme ?

Electre : Les tubes gratuits assassinent le business model du porn. Ce sont des profiteurs qui volent les maisons de production, les actrices et les acteurs. Ça va faire hurler, mais je trouve que Poutine a bien fait d'interdire PornHub en Russie. Le porn doit être payant, régulé et réservé aux adultes. Il tire l'humanité vers le bas. Il faut faire en sorte que les enfants n'y soient pas exposés pour ne pas biaiser leur vision du sexe.

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John B. Root : Un État ne peut pas agir seul car avec Internet, tout se joue à l'international. On doit réagir à cette échelle et lutter contre les tubes en instaurant des règles du jeu. D'abord, pas de diffusion sans copyright : chaque site devrait avoir une autorisation pour la mise en ligne d'un contenu, sinon on le ferme. Ensuite, il faut définir un mode de filtrage des mineurs avec la demande d'une vraie preuve, par exemple un numéro de carte bleue. Aujourd'hui, certaines plateformes n'ont même pas d'avertissement à l'entrée !

VICE : Pour finir, une question très sérieuse : quel(le) candidat(e) pourrait se reconvertir dans le porn s'il ou elle n'était pas élu(e) ?
Ovidie : Je sèche…

Doryann Marguet : Celui qui aurait le plus de chance de percer serait Macron, puisqu'il est le plus jeune. Après, je ne serais pas étonné que Fillon soit un chaud lapin. Quant à Le Pen, on se contentera des images érotiques de la mère !

Anoushka : Sans aucun doute Marine Le Pen, en maîtresse SM.

HPG : Aucun ! Ils sont trop cérébraux et trop séducteurs pour amorcer une carrière dans le X.

Electre : Macron devrait faire du porno gay. Quand on écoute ses discours, on constate qu'il est vide… Il se ferait remplir !

John B. Root : Macron est le seul candidat à dire qu'il n'a aucun problème avec le porno… Et à avoir le physique pour en faire ! J'imagine aussi Marine Le Pen en maîtresse SM. Le cuir et le latex lui iraient bien.

Merci à tous.

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