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FRANCE

Les députés français maintiennent la « taxe tampon »

L’amendement rejeté par les députés ce jeudi matin visait à faire passer le taux de TVA des produits de protection hygiénique féminine, comme les tampons, de 20 à 5,5 pour cent. À une voix près, le projet a été refusé.
(Photo via Wikimedia Commons)

Un amendement proposant la réduction du taux de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sur les produits de protection hygiénique féminine a été rejeté par les députés français dans la nuit de mercredi à jeudi. Ils n'ont pas approuvé la proposition d'une députée de passer la taxe de 20 pour cent à 5,5 pour cent.

Suite à un débat parlementaire d'un quart d'heure tenu dans la nuit de ce mercredi à jeudi, l'amendement n'a pas été adopté par les quelques députés encore présents dans l'Assemblée au moment du vote — à une voix près.

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Discussion de l'amendement sur la « taxe tampon » à l'Assemblée nationale.

Au cours des débats, Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, a déclaré lors de son allocution devant les députés : « Les mousses à raser spéciales hommes sont à un taux de TVA de 20 pour cent, » s'attirant les foudres d'Internautes et de groupes féministes dans la journée de jeudi.

Cet amendement, étudié dans le cadre de la loi de finances pour l'année 2016, était porté par la députée PS Catherine Coutelle, qui est également présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes.

« J'ai voulu porter ce sujet sur la place publique, » nous a dit la députée ce vendredi matin, qui souhaite maintenant interpeller ses collègues du Sénat. « Pour nous, c'est un produit de première nécessité, car les femmes qui utilisent ces produits ne le font pas par choix, » explique Catherine Coutelle. Selon elle, 15 millions de femmes sont concernées en France.

La députée voulait faire rentrer les produits de protection hygiénique féminine dans la case des produits taxés à 5,5 pour cent, comme notamment les produits alimentaires ou les abonnements au gaz et à l'électricité, mais aussi les livres.

Le code général des impôts prévoit trois autres niveaux de TVA en plus du taux à 5,5 pour cent. Le taux standard de la TVA en France est de 20 pour cent. On trouve ensuite un premier taux réduit à 10 pour cent, qui s'applique notamment aux produits agricoles, aux transports et à la restauration. En complément du deuxième taux réduit de 5,5 pour cent, il existe un taux particulier, à 2,1 pour cent. Celui-ci est réservé aux médicaments remboursés par la sécurité sociale, ou à certaines publications de presse.

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Si la commission parlementaire qui avait préalablement étudié l'amendement avait donné un avis favorable, en estimant qu'aucun problème de principe ne se posait, le gouvernement avait quant à lui donné un avis défavorable à cet amendement par la voix du secrétaire d'État au budget, Christian Eckert.

Lors du débat parlementaire dans la nuit de mercredi à jeudi, Eckert a déclaré : « Le gouvernement ne souhaite pas bouger sur les niveaux de taux de TVA. […] Cela vaut pour cet amendement comme pour la kyrielle d'amendements que nous allons examiner dans les jours qui viennent ».

D'après les estimations du gouvernement, cet abaissement du taux de TVA pour les tampons, les serviettes hygiéniques ou encore les coupes menstruelles (coupelle en latex qui s'insère comme un tampon), aurait pour conséquence une perte de 55 millions d'euros de recettes pour l'État.

Dans une interview publiée ce vendredi, la secrétaire d'État au droit des femmes, Pascale Boistard, a concédé que l'achat de protections hygiéniques féminines est « clairement une dépense contrainte ». Mais elle a malgré tout défendu son collègue Christian Eckert, qui se devait de rappeler « la complexité des problématiques liées à la TVA ».

« La plupart des produits d'hygiène personnelle sont tous soumis au même taux, y compris ceux utilisés par les hommes. C'est un argument que je peux entendre, » a-t-elle déclaré.

À lire : Woman Tax : être une femme coûte plus cher

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Débat autour de la notion de « produit de première nécessité »

La comparaison entre mousse à raser et tampon de Christian Eckert fait bondir les membres de l'association Georgette Sand, qui a la première interpellée les élus sur cette problématique de la taxe tampon.

« L'opprobre ne saurait toucher un menton mal rasé, quand une absence de protection périodique ne saurait passer inaperçue, » argumente l'association sur son site, pour défendre l'idée que la mousse à raser ne saurait faire partie des « produits de première nécessité, » contrairement aux protections hygiéniques féminines.

« On sent qu'il ne connaît pas du tout le sujet, » nous a dit la membre de l'association Gaëlle Couraud, contactée par VICE News ce vendredi. « Le message derrière c'est : on ne touche pas à ma TVA pour une histoire de gonzesse. Parlons de choses plus sérieuses. »

Une comparaison qui semble au premier abord plus pertinente que celle de la mousse à raser est souvent opposée aux membres de l'association Georgette Sand : celle du papier toilette, lui aussi taxé à 20 pour cent. « Sauf que le papier toilette est souvent mis gratuitement à disposition dans les lieux publics, ce qui n'est pas le cas des protections périodiques » note Gaëlle Couraud.

L'association Georgette Sand souhaite maintenant passer à un niveau supérieur : « Notre idée, c'est de travailler avec les Anglaises, les Allemandes, les Italiennes [qui défendent la même idée] pour nous adresser directement aux élus européens, » explique Gaëlle Couraud.

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Au Canada, plus de taxe du tout

Il y a 8 mois, l'association Georgette Sand avait lancé une pétition en ligne, qui a recueilli aujourd'hui 19 000 signatures. En Angleterre, une pétition similaire, lancée par la féministe anglaise Laura Coryton — qui a été la première à identifier ce sujet, selon l'association française — a recueilli presque 250 000 signatures. Au Royaume-Uni, les tampons et les serviettes hygiéniques sont taxés à 5 pour cent depuis l'an 2000. Avant cette date, le taux de TVA qui leur était appliqué était de 17,5 pour cent.

« Nous, nous demandons qu'au moins ces produits soient taxés à 5,5 pour cent, au mieux à 2,1 pour cent, » rappelle Gaëlle Couraud. « Les Anglaises, les Italiennes et les Allemandes, elles, demandent l'abolition totale de la taxe sur ces produits, qui sont déjà à des taux réduits. Nous sommes vraiment en retard en France, » s'exclame-t-elle.

Au Canada, l'abolition complète de toute taxe a été obtenue, appliquée à partir de juillet dernier. Une mesure qui avait été portée par des députés du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Suivez Lucie Aubourg sur Twitter : @LucieAbrg