Ce mec se nourrit exclusivement de viande crue depuis cinq ans

Lui, c’est Derek Nance. Il y a six ans, Derek a été victime d’une maladie mystérieuse qui lui coupait l’appétit et lui faisait vomir tout ce qu’il ingurgitait. Les médecins ont supposé que c’était un problème allergique, et Derek a dû changer ses habitudes alimentaires. Au début, il a arrêté le blé et les produits laitiers, mais il continuait à perdre du poids. Désespéré, il s’est rabattu sur Internet pour chatter avec des internautes. Derek a essayé une alimentation méditerranéenne (poissons et légumes) avant d’arrêter le poisson pour devenir végétarien, en vain. Enfin, un mec qui avait contracté les mêmes symptômes lui a recommandé une version carnivore du régime paléolithique. Avec rien à perdre, Derek a donné sa chance à la viande crue. C’était il y a un peu moins de six ans, et aujourd’hui il se brosse même les dents avec de la graisse animale. Pour des raisons qui m’échappent, j’ai voulu regarder Derek se nourrir et il a dit OK. Je suis allé les voir à Lexington, dans le Kentucky, lui et sa petite copine, Joanne. On a parlé d’organes vitaux, de viande avariée et de santé, la préoccupation majeure de Derek. Il m’a affirmé ne jamais s’être senti aussi bien.

VICE : Hey Derek, parle-moi de ton régime : c’était l’idée de qui ?
Derek : Ça a commencé avec un dentiste du nom de Weston Price qui, dans les années trente, a étudié les bienfaits de la nourriture crue (et de la viande crue) sur la santé. Il a étudié les Amérindiens : certains d’entre eux avaient un régime alimentaire composé de tripes et de graisse animale. Il a découvert que les communautés primitives étaient en bien meilleure santé que nous le sommes aujourd’hui, et je me suis dit que j’allais tenter le coup.

Tu as hésité ?
Pas vraiment. J’étais malade depuis pas mal de temps, j’étais prêt à tout. J’avais quelques chèvres dans mon jardin que j’utilisais pour leur lait. J’en avais marre de les traire, alors je les ai abattues. J’en ai mangé deux, crues, et c’est comme ça que j’ai changé de régime.

Ça ne t’a pas rendu malade ?
Non. Peut-être une petite diarrhée au début mais c’est juste le système digestif qui s’adapte. Après une semaine, je me suis senti en pleine forme et je ne suis jamais revenu sur ma décision depuis.

Et tu n’as rien mangé d’autre depuis ?
Rien d’autre. Ça fait bientôt six ans. Ce que je préfère, c’est l’agneau. C’est facile d’aller les chercher dans les fermes, de les négocier à un prix décent, de les tuer et de les jeter dans le coffre de mon truck. C’est beaucoup plus dur avec le bœuf, parce que l’animal est bien plus gros. Les cochons crus, c’est déconseillé, parce qu’ils leur injectent une tonne d’hormones et leur font bouffer des grains – ça favorise la prolifération de bactéries.

Comment évites-tu le scorbut ?
Les abats contiennent en fait pas mal de vitamine C. Le truc avec la vitamine C, c’est que tu as besoin d’en absorber beaucoup si tu as un régime riche en carbohydrates – en gros, riche en glucides –, mais si tu as un régime strictement carnivore, t’en as juste ce qu’il te faut dans la chair animale. Donc je mange les abats, le tissu conjonctif et tout le reste.

La vitamine C de Derek. Un bocal d’organes de mouton et du sang coagulé.

Et qu’est-ce qui se passe quand tu vas diner chez un pote ?
La plupart de mes amis m’autorisent à amener un peu de nourriture chez eux. Même chose si je bouffe dehors.

Tu n’en as pas marre de manger tout le temps la même chose ?
Non, un changement s’opère au cours de la phase d’adaptation. Après trois semaines, je sentais un goût de sang au fond de la gorge. Je ressentais le besoin de retrouver ce goût, un peu comme une pulsion. La viande cuite ne me fait plus envie. Ça a juste un goût de brûlé. C’est la même chose pour les herbes et les épices, au début j’assaisonnais la viande, et maintenant ça ne me tente plus du tout.

Tu manges aussi de la viande faisandée. Tu peux m’expliquer pourquoi ?

Pour les probiotiques. La moitié de mon problème de digestion était en fait lié à un manque d’enzymes. Mon corps ne produit pas assez d’enzymes pour digérer les féculents. Donc les probiotiques présents dans la viande faisandée m’aident à digérer ma nourriture.

T’as déjà parlé de ton régime alimentaire avec un végétarien ?
En fait, ma copine est végétarienne.

Joanne, t’es végétarienne ?
Joanne :Oui. Enfin, disons que je suis omnivore avec un penchant vegan. J’ai essayé le régime de Derek – un jour, on a eu des filets d’agneau et c’était succulent, mais je suis végétarienne par compassion.

Derek et Joanne.

Derek, ça ne te fait rien de tuer toi-même les animaux ?
Eh bien, si un animal vit conformément à sa nature, je n'ai pas de problème pour l'abattre, pourvu que ce soit fait proprement. Mais si l’animal est élevé dans un enclos et que quand il est malade, il est piqué aux antibiotiques, là ça me pose problème. Ce n'est pas seulement injuste pour l'animal, c'est aussi injuste pour les gens qui le mangent.

Ton frigo pourrait appartenir à Satan. Y’a quoi là-dedans ?
C'est un mouton Shetland, il a une saveur très douce et sucrée. J’ouvre le crâne pour manger la cervelle. C'est une sorte de friandise haut-de-gamme donc je vais attendre le week-end pour la déguster.

C’est quoi l’inconvénient principal de ce régime ?
Être un marginal. Ma famille pense que j’ai perdu les pédales. Ils s’imaginent que je suis un malade mental, j’ignore pourquoi. Ils n’acceptent pas le fait de manger de la viande crue. Mon père a un master en biologie et il me répète que si je mange de la viande pas cuite, j’attraperai une sorte de pathogène.
Joanne : Oui, c’est vraiment bizarre, je n’ai même pas le droit de parler du régime de Derrick quand ils sont là. Ils disent : « Ce n’est pas sain, il va mourir. » Ce sujet les rend très triste.

Tu penses arrêter un jour ton régime ?
Non, pas par choix en tout cas.

Tu es récemment devenu boucher. Pourquoi ?
Bah, j’allais dans des fermes depuis des années pour abattre les animaux destinés à ma propre consommation, et un des éleveurs avait besoin d’aide alors je lui ai proposé la mienne. Maintenant, je commence à apprendre le métier et j’ai beaucoup de morceaux à grignoter à portée de main. Avant j'étais électricien, mais je ferais n'importe quoi pour gagner ma vie. Joanne bosse à un bar à jus vegan donc parfois je vais lui filer un coup de main, aussi. C'est la vie.

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