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Allemagne

Pegida a fêté ses 1 an en continuant de surfer sur la crise migratoire

Environ 15 000 manifestants ont défilé lundi soir dans les rues de Dresde, alors que la politique d’accueil menée par Angela Merkel à l’égard des réfugiés est de plus en plus critiquée au sein même de son propre camp.
Image d'illustration. Manifestation de Pegida le 23 mars 2015. (Photo via Flickr)

Ce lundi, le mouvement allemand Pegida (qui signifie « Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident ») célébrait son premier anniversaire à Dresde où il a été créé, alors que la gestion politique de l'accueil des migrants se complique pour la chancelière Angela Merkel, qui se retrouve critiquée de toutes parts, et au sein même de son parti, la CDU.

Ce dimanche, les médias allemands révélaient qu'une fraction de la CDU regroupant plus d'une centaine de députés réfléchissait à proposer une fermeture des frontières allemandes, ce qui comprendrait l'installation d'une clôture. Au total, sur l'année 2015, plus d'1,5 millions de migrants pourraient rejoindre l'Allemagne, selon les informations du quotidien allemand Bild.

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15 000 manifestants Pegida à Dresde

La manifestation organisée ce lundi pour les un an du mouvement islamophobe Pegida aurait réuni, selon le journal allemand Zeit Online, environ 15 000 personnes. C'est plus que les 9 000 qui s'étaient déjà retrouvés à Dresde la semaine précédente, mais moins que le record pour cette manifestation, enregistré le 12 janvier dernier, avec 25 000 participants, au lendemain des attentats qui avaient frappé Paris.

Ausschreitungen am Rande von — Martin Heller (@Ma_Heller)19 Octobre 2015

À lire : Regain d'affluence pour les manifestations anti-migrants de Pegida en Allemagne

Dans les rues de Dresde se trouvaient également de nombreux contre-manifestants — environ le même nombre que les manifestants de Pegida, selon plusieurs médias.

Au cours du rassemblement de ce lundi soir, le fondateur de Pegida, Lutz Bachmann, a qualifié la chancelière allemande Angela Merkel de « dictatrice ». Était aussi présent, l'écrivain Akif Pirinçci, connu ces dernières années pour ses pamphlets d'extrême-droite, qui a regretté que « Les camps de concentrations ne so[ie]nt malheureusement plus en état de fonctionner. »

Peu après avoir prononcé cette phrase, Pirinçci aurait finalement été invité à quitter la scène par Lutz Bachmann, alors que des protestations se faisaient entendre au sein même des manifestants de Pegida.

Dans le compte rendu publié par la police locale, celle-ci indique qu' « un homme, qui selon ses propres dires allait rejoindre la manifestation de Pegida, a été frappé par un inconnu. La victime souffre de blessures graves et a dû être transportée à l'hôpital. »

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Ce mardi, au lendemain de la manifestation, l'organisation Reporters sans frontières (RSF) a condamné la prise à partie de plusieurs journalistes par des manifestants. Deux d'entre eux ont été frappés et empêchés de filmer par des manifestants de Pegida.

Pas moins de 1 900 policiers étaient déployés à Dresde pour assurer la sécurité du rassemblement. Trois personnes ont été interpellées au cours de la manifestation de ce lundi soir.

Un sentiment anti-migrant partagé

Dans les pays frontaliers de l'Allemagne, le sentiment anti-migrant gagne du terrain sur la scène politique.

Le dimanche 11 octobre, le FPÖ autrichien a réalisé un score inédit lors de l'élection municipale à Vienne, la capitale du pays, son leader Heinz-Christian Strache récoltant près de 32 pour cent des suffrages et inquiétant ainsi réellement le maire social-démocrate sortant, qui a toutefois été réélu.

En Suisse, la droite populiste a obtenu 28 pour cent des voix aux élections fédérales qui ont eu lieu ce dimanche, contre 26,6 pour cent en 2011 lors de la même échéance. L'Union démocratique du centre (UDC), un parti résolument anti-immigration, reste ainsi le premier parti de Suisse.

Fermeture des frontières

Le contexte dans lequel a eu lieu cette manifestation était particulièrement tendu en Allemagne. Samedi, la candidate indépendante à la mairie de Cologne, Henriette Reker — qui était auparavant chargée de l'accueil des réfugiés dans la ville — a été attaquée au couteau par un homme qui aurait déclaré aux enquêteurs avoir commis cet acte « avec des motivations racistes ». Elle a finalement été élue ce dimanche alors qu'elle était encore à l'hôpital, et devrait pouvoir assumer ses fonctions, selon les médecins.

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Face à la radicalisation du débat autour de l'accueil des réfugiés, certains politiques préparent des propositions alternatives à la politique menée par Angela Merkel. Ce dimanche, le journal allemand Bild dévoilait ainsi le "plan secret" de certains députés de la CDU (le parti de la chancelière) qui travaillent sur une proposition visant à rendre les frontières imperméables.

« Nous devons arrêter le flux de réfugiés. L'étude d'une fermeture des frontières ne doit pas être un tabou, » a déclaré Christian von Stetten, le Président de la fraction Parlamentskreis Mittelstand (PKM), qui regroupe 188 députés de la CDU et de son équivalent bavarois, la CSU.

Cette idée devrait être soumise aux membres du parti lors d'une séance de groupe parlementaire, dans deux semaines. Plusieurs membres de la CDU/CSU se sont d'ores et déjà exprimés contre cette idée.

Le même jour, Rainer Wendt, le président d'un syndicat de police allemand (Deutsche Polizeigewerkschaft, DPolG), prônait lui aussi la fermeture des frontières. Il a déclaré au journal Welt am Sonntag : « Si nous voulons mettre en place des contrôles de frontière sérieux, nous devons construire une clôture le long de la frontière allemande. Je suis pour que nous le fassions. »

Début septembre, l'Allemagne avait rétabli les contrôles à sa frontière avec l'Autriche. Pourtant la chancelière ne cesse de répéter que la fermeture totale des frontières n'est pas, selon elle, une solution. Dans une interview à la télévision allemande le 7 octobre dernier, la chancelière a déclaré : « On ne peut pas fermer les frontières. L'Allemagne a 3 000 kilomètres de frontières terrestres. […] Nous devrions [pour cela] construire une clôture de barbelés. On voit ce que cela a donné en Hongrie. Les gens trouveront d'autres chemins. […] Cela ne fonctionnera pas. »

Suivez Lucie Aubourg sur Twitter : @LucieAbrg