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FRANCE

Prostitution : ce qui va changer avec la nouvelle loi

Si cette réforme vise à mieux protéger celles et ceux qui se prostituent, elle reste très critiquée par certaines associations et par le principal syndicat du travail sexuel.
image via Nils Hamerlinck / Flickr

Ce mercredi après-midi, l'Assemblée nationale doit adopter en dernière lecture un projet de loi visant à « lutter contre le système prostitutionnel ». Parmi les nombreuses réformes proposées, les parlementaires doivent valider la pénalisation des clients de la prostitution, une première en France. Certaines associations ainsi que le STRASS, le principal syndicat du travail sexuel, se sont pourtant opposés à cette loi qui risque selon eux d'isoler davantage les victimes de la prostitution.

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Portée depuis plusieurs années par la députée socialiste Maud Olivier, cette loi contient une vingtaine d'articles qui viennent changer — parfois radicalement — l'approche de la France vis-à-vis de la prostitution. Cette loi obligera notamment les fournisseurs d'accès à Internet à empêcher l'accès aux sites de proxénétisme, établira un droit de protection pour les travailleurs du sexe et mènera à la création d'un fonds public pour la prévention et l'accompagnement des personnes prostituées.

Les mesures phares de cette loi restent la création d'une contravention qui punit les clients de la prostitution d'une amende de 1 500 euros, mais aussi la suppression du délit de racolage passif et la délivrance de titres de séjour pour les étrangers et étrangères qui se prostituent en France.

« À travers ce texte, nous travaillons pour l'intérêt général et en priorité pour les victimes, pour que cette législation plus protectrice s'applique prochainement, pour faire reculer toutes les violences », peut-on lire sur le site officiel de la députée Maud Olivier.

Adoptée par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013 à une large majorité, cette proposition de loi avait depuis fait l'objet d'une « navette » entre le Sénat et l'Assemblée, les sénateurs amendant systématiquement la pénalisation des clients tout en rétablissant le délit de racolage. Le 26 mars, c'est finalement une commission spéciale de l'Assemblée qui a conseillé, suite à un ultime examen, l'adoption de ce texte par les députés.

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D'après Le Figaro, une enveloppe annuelle de 4,8 millions d'euros devrait servir à financer le « parcours de sortie de la prostitution » voulu par cette loi, qui consiste en un accompagnement des aides vers une reconversion professionnelle. Ce budget est jugé trop faible par de nombreuses associations, qui estiment que ce montant avoisinera les « 160 euros par personne et par an » étant donné qu'il y aurait au moins 30 000 personnes qui se prostituent actuellement en France.

Ce mercredi midi aux abords de l'Assemblée nationale, des dizaines de manifestants se sont réunies à l'appel de plusieurs organisations comme le STRASS pour s'opposer à la pénalisation des clients de la prostitution, une mesure qui aurait pour effet selon eux d'isoler les prostituées, de les précariser voire de les mettre en danger.

« La pénalisation des clients condamne [les prostituées] à la clandestinité », répète le STRASS depuis près de 5 ans. D'après ce syndicat, clients et prostitués risquent par exemple de se rendre dans des lieux encore plus isolés pour éviter les contrôles de police.

Chez les syndicats de police justement, une certaine opposition à ce projet de loi s'est fait ressentir ces dernières semaines. Cités par Le Monde ce mardi, deux responsables syndicaux ont exprimé leurs doutes sur la mise en application réelle de cette loi ambitieuse. Pour Philippe Capon, du syndicat UNSA-Police, le rôle des forces de l'ordre dans cette mesure n'est pas assez clair. « Est-ce que c'est notre boulot ? Est-ce que ça va devenir une de nos missions prioritaires ? », s'est-il interrogé. « Dans la situation actuelle d'emploi de la police, on a autre chose à faire que d'aller taper des clients de prostituées », a par ailleurs déclaré Nicolas Comte, porte-parole du syndicat Unité-SGP-Police-FO.

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Avec l'adoption de cette loi, la France deviendrait le quatrième pays d'Europe à pénaliser les clients de la prostitution, après l'Islande, la Suède et la Norvège. Elle s'éloignerait alors du chemin pris par d'autres de ses voisins, comme l'Allemagne et l'Espagne, qui autorisent et tentent d'encadrer la prostitution depuis plusieurs années.


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