À l'Olympic de Saint-Ouen, rade star

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À l'Olympic de Saint-Ouen, rade star

Passion, bières et formica : on est allé s'accouder au zinc du bar mythique des supporters du Red Star.
Alexis Ferenczi
Paris, FR

Échauffement : Si jamais vous êtes plus 8-6 que 4-4-2, plus pintes que petits toros, que vous vous lancez à la découverte des troquets du 93 et que vous passez à l’Olympic en semaine, vous allez tomber sur un bar lambda : des tireuses, des tables, des chaises et un baby un peu fatigué. Mais, comme souvent, le diable est dans les détails. Ici, on parle, on boit et on respire Red Star, club au glorieux passé et aux cinq Coupes de France. Normal, le rade est situé au 105 rue du Dr Bauer, littéralement en face du mythique stade du même nom qui héberge l’équipe audonienne depuis 1909.

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Akli, le patron, bosse ici depuis 20 ans. « Avant, j’étais aussi dans la restauration mais à Paris. Je suis supporter du Red Star depuis très longtemps. À la bonne époque, j’allais au stade. Ça, c’était avant même de venir travailler ici. Là je suis occupé donc je ne vois pas le match. » Ce samedi 13 janvier, ils sont trois à bosser derrière le bar dont Rabah, qui file un coup de main en salle et rigole beaucoup.

Présentation des équipes : À l’intérieur du bar, on peut à peine bouger. Dans le fond, une télé branchée sur Arte diffuse les images d’un docu sur les conditions de vie extrême des Inuits et peine à couvrir le brouhaha. Devant, ça grouille de monde. Une foule qui s’étend jusqu’à la boulangerie voisine et qui est composée d’un peu de tout : homme, femme, rouflaquettes, dreadlocks, ultra, hipster, gars de Saint-Ouen, gars de Paris, journaliste et même hincha d’Amérique latine de passage.

Chacun représente une facette d’un club qui a toujours eu une aura un peu particulière. Le Red Star, et par extension le stade Bauer et le bar, incarne un football « vrai », par opposition à celui gangrené par le fric, les hommes politiques de droite et les institutions corrompues. Ce samedi, le Red Star accueillait Cholet dans un choc du championnat de National, le 3 e échelon du football français. Pas de compte d’apothicaire : « Si on gagne, on passe premier », se gargarise-t-on dans la masse entre les canettes et les gobelets en plastique.

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Interview d’avant-match : Le coup d’envoi va être donné dans quelques minutes et les clients de l’Olympic ont commencé à quitter le bar et à traverser la rue pour entrer dans l’enceinte. À l'intérieur, un supporter répond à quelques questions de Nova. Qu’est-ce qu’il pense du partenariat avec Vice ? « Bah y’a du bon et du mauvais ». Avant d’enchaîner : « On avait surtout un peu peur de perdre notre âme en fait » et de faire mention d’une soirée organisée à l’Olympic sans prévenir les supporters qui a fait monter la moutarde au nez de certains.

Coup d’envoi : Pourtant, les bons résultats du club réveillent aussi quelques inquiétudes. L’année dernière, le Red Star bataillait en Domino’s Ligue 2 et ses matchs à domicile se jouaient au stade Jean-Bouin – dans le cossu XVIe arrondissement. La saison avant celle-là, c’était à Beauvais et rien que de l’évoquer, ça lâche encore des « la déprime…putain ».

Une situation ubuesque qui s’explique par la non-homologation du stade aux exigences de la division supérieure. Et une crainte, insidieuse : si le Red Star continue de se battre cette saison pour la montée et qu’il accède finalement à la Ligue 2, ne risque-t-il pas à nouveau quitter sa maison ? Côté supporters, on se veut optimiste.

Akli assure qu’il est bien content de voir le Red Star sur le podium. « Plus ils sont hauts dans le classement, plus il y a de monde ». Et espère aussi qu’en cas de montée, les choses seront un peu différentes. « Ça ferait plaisir à tout le département du 93 et à la ville de Saint-Ouen. J’espère que le président et le maire vont faire un petit effort et que les travaux permettront à l’équipe de rester dans son stade. »

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**5e minute **: « Désolé de vous interrompre mais je peux vous prendre un 51 ? »

6e minute : « Vous avez des glaçons s’il vous plaît ? »

7e minute :** «** Je peux vous laisser aussi mon casque ? »

8e minute : Le match a commencé depuis peu et Bauer résonne des premiers chants. Patient, Akli sert encore quelques retardataires ou ceux qui les attendent pendant que Rabah déplace les tables avec le sourire.

15e minute : Des mémoires du Red Star gravitent encore autour du club et finissent parfois autour d’un verre à l’Olympic. C’est par exemple le cas de Jean-Michel, qui se présente comme un ancien joueur et un ancien dirigeant. Il se rappelle : « Quand on sortait du centre de formation, on passait par le bar. Ça me fait penser à Guy Roux [l’ancien entraîneur d’Auxerre] qui empêchait les jeunes de faire la bringue le soir. Nous on ne se la collait pas vraiment hein. »

Intarissable sur le stade Bauer, qu’il juge un peu rustre mais dont il aime le style à l’anglaise, Jean-Michel raconte ce passé qui rend le club si unique tout en sifflant un demi. Il décrit une soirée contre Marseille où le stade aurait failli s’écrouler sous le nombre de supporters et peste contre les sponsors et la municipalité qui ont trop souvent remis les travaux d’aménagement à demain.

Mi-temps : 0-0. Bauer crache ses supporters et une bonne odeur de merguez grillée s'élève dans le stade. L’Olympic se transforme alors en « buvette officieuse », même si la plupart des spectateurs préfèrent se prendre une pinte sans quitter l’enceinte. Une question d’habitude.

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70e minute : Il est presque 16 h 30, l’heure du goûter, et la tribune Rino Della Negra est secouée par un spasme de joie. Teddy Teuma vient de trouver la faille pour les Audoniens d’une jolie frappe croisée. Le Red Star mène face à Cholet et prend du coup la tête du National. On repense à Akli qui assure que : « Même sans le Red Star, on s’en sortirait, y’a pas de problèmes. Les semaines quand il n’y a pas de match, ça se passe bien. »

75e minute : Un « Flic, arbitre ou militaire, qu’est-ce qu’on f’rait pas, pour un salaire ! » descend des travées. L’arbitre vient d’expulser Formose Mendy, moitié de la défense central, coupable d’avoir pris à la gorge l’ailier adversaire qui avait laissé traîner les crampons sur un coéquipier. Le joueur s’enfonce dans le tunnel qui mène au vestiaire sous les applaudissements du public sans passer par l’Olympic.

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Temps additionnel : Quand on demande à un vieux grognard du Red Star quelle est la place du bar dans l’histoire du club, il en souligne tout de suite l’importance. Oui, il y a toujours eu énormément de monde devant le stade et, oui, à une époque, on pouvait voir les dirigeants et même les joueurs prendre un kawa sur le zinc. Aujourd’hui, le rôle de l'Olympic a changé – comme le foot en général. Le bar est devenu un lieu de rassemblement pour les supporters. Une transformation tangible notamment depuis que la culture « ultra » a investi les tribunes.

Coup de sifflet final : Fin du match. Le Red Star s’est imposé un peu dans la douleur. La foule quitte progressivement le stade et marche dans la rue du Dr Bauer. Devant l’Olympic, les irréductibles sirotent quelques bières, rejoints par quelques supporters voulant célébrer la victoire ou juste se la coller. Les matchs de National sont parfois des purges mais ceux du Red Star à domicile passent grâce à un savant mélange de pintes, d’énergie en tribune et d’engagement sur le terrain. Chapeau aux supporters, à Akli et aux joueurs de Régis Brouard. Et si le Red Star, c'est uniquement à Bauer, la pinte, c'est souvent à l’Olympic.


VICE et le Red Star se sont associés pour vous faire vivre de l’intérieur la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen. Nous serons présents sur les terrains et dans les vestiaires, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Pour lire plus d'articles sur le Red Star, c'est par ici.