Je suis vegan depuis bientôt onze ans. Cela veut dire que vous ne me verrez jamais manger un aliment ayant un rapport de près ou de loin avec un quelconque animal. Mon régime particulier est un choix contraignant qui m'appartient, mais qui ne m'empêche pas de me bourrer la gueule pour autant. Mon penchant pour la bouteille s'est d'ailleurs déclaré le jour où, avec mes copines de cinquième, on a fait une descente dans le bar des parents d'un ami en sortant des cours. Ce jour là, je me suis complètement allumée avec un mélange de Captain Morgan et de la limonade discount hyper sucrée. Et puis j'ai dégueulé pendant au moins trois jours d'affilée. Bien sûr, comme j'étais (et resterai toujours) une ado débile, ça ne m'a absolument pas dissuadée de boire à nouveau. Heureusement, l'âme d'Amy Winehouse m'a épargnée et je ne suis pas devenue complètement dépendante à l'alcool : au fil du temps, je suis même devenue plus ou moins capable de gérer mon petit coté pochtronne. Et ça toute seule, comme une grande, en restant digne parmi la population des buveurs. Une attitude d'adulte responsable qui a été complètement réduite à néant le jour où j'ai découvert le Vegan Beer and Food Festival, l'énorme festival vegan dédié à la bouffe et à la bière d'origine végétale qui se tient chaque année aux alentours de Los Angeles.
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Le succès de cet évènement — où pour rappel : on célèbre la débauche en l'absence de toutes protéines animales— est devenu tel que pour cette sixième édition, le festival s'est tenu au Rose Bowl, l'énorme stade de football américain de la ville de Pasadena. Quand on me demande à quoi peut bien ressembler un festival vegan, j'ai désormais une réponse toute préparée : « Alors, c'est un festival où les gens descendent des tonnes de bière et de bouffe, et tout est 100% végétalien. Si ça cartonne autant c'est que personne ne mange et boit autant qu'un vegan raide bourré. Ça doit sûrement venir du fait que ces mecs là sont en manque permanent de protéines ! ». Pour QuarryGirl, bloggeuse vegan et co-organisatrice du festival, les vegans sont des personnes qui aiment faire la fête comme les autres : « Les vegans sont de grands buveurs ! Bien sûr, on croise quelques personnes sobres ou des straight-edges, mais la plupart des gens ici adorent se mettre la gueule à l'envers, exactement comme les omnivores, en fait. »
Les omnivores, justement, se demandent souvent qu'est-ce qui fait la particularité des bières vegan. Il faut savoir que la bière « normale » peut parfois présenter quelques traces d'origines animales comme du miel, de la graisse de bacon ou plein d'autres trucs dans le genre. Et les producteurs de bières traditionnelles tendent parfois des pièges : il n'est pas rare, par exemple, que la bière soit clarifiée ou filtrée avec de la gélatine de porc, de la caséine, de la glycérine ou même de l'ichtyocolle, une sorte de poudre obtenue à partir de vessie natatoire de poisson. Un brasseur est même allé jusqu'à me dire un jour que la bière non-vegan pouvait contenir « tout un tas d'ingrédients assez funkys » — et je n'ai jamais trouvé meilleure métaphore.
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Le festival a été monté par QuarryGirl et deux autres vegans convaincus de Los Angeles : Tony Yanow, propriétaire du pub Tony's Darts Away situé à Burbank, et Nic Adler de The Roxy sur le Sunset Boulevard. QuarryGirl explique que l'idée leur est venue pendant un apéro avec Tony et Nic, en 2010 : « On pensait que ça pourrait être cool de travailler ensemble et de créer la meilleure fête vegan possible. Tony s'occuperait des bières, je m'occuperai de la partie food, et Nic aurait pour mission de trouver des groupes et de faire venir du monde. Quelques mois plus tard, on a lancé le tout premier Vegan Beer Fest de Los Angeles dans le parking du Roxy avec quelques 500 participants. »Probablement parce que les végétaliens sont d'insatiables pochtrons, le festival n'a pas cessé de prendre de l'ampleur depuis. Cette année, plus de 7 000 personnes s'y sont pointées pour boire à la source d'une centaine de brasseries artisanales locales. Côté bouffe, il y avait des stands de traiteurs vegans qui proposaient toute une variété de choses délicieuses comme des double burgers avec des donuts à la place des buns ou d'énormes coupes de beurre de cacahuète à la sauce Sriracha — Je suis littéralement en train de saliver en écrivant ces mots.
En entrant dans l'imposant Rose Bowl, je me suis retrouvée face à ce que l'on pourrait assimiler au nirvana des vegan : les stands de nourriture encerclaient tout l'intérieur du stade et une ligne infinie de stands de bière occupait le centre. Les organisateurs ont eu l'idée géniale de mettre des stands des deux cotés de la ligne, ce qui doublait la quantité de bière disponible dans un même espace. En gros, c'était un putain de paradis pour végétaliens. Seul bémol : les chiens n'étaient pas admis, ce qui fait assez sens. Mais bon, un paradis dépourvu de chiens, de chats et plus généralement d'animaux vivants et en bonne santé, ne peut pas totalement constituer un vrai paradis pour la communauté vegan. En fait, ce qui se rapproche le plus d'un paradis pour vegans, c'est peut-être le film ROAR avec Tippi Hedren.
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Alors que je courais d'un stand à l'autre comme une gamine atteinte d'un trouble de l'attention qui a oublié de prendre son médicament lors de son premier séjour à Disneyland, j'ai remarqué que quelques vegans s'enfilaient des bières entre deux voyages aux chiottes pour aller gerber. Les autres festivaliers avaient tous l'air d'être des gens à la fois respectueux, cools et joyeux qui se préoccupaient autant de faire la queue pour choper un tacos au jaquier que de se coller une énorme murge. « Je pense que c'est parce que les gens sont autant emballés par la nourriture que par la bière, explique QuarryGirl Je n'avais jamais vu des files d'attente pour la bouffe aussi longues que celles des boissons dans aucun autre festival. Faire la queue pour manger un bout, c'est aussi l'occasion de se poser et de récupérer entre deux lampées de bières. »
J'ai d'ailleurs pris une vegan en flagrant-délit de décontraction : elle mâchait un Oreo frit en affichant un sourire extatique entre deux gorgées de Belgian Vanilla Blonde de la marque Babe's — elle avait l'air si heureuse, c'était beau à en chialer. J'en ai vu une autre acheter un donut au caramel beurre-salé, croquer dedans avant de s'exclamer qu'il était super bon et puis le jeter aussitôt pour se diriger vers le stand suivant. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a répondu qu'elle avait encore pas mal d'appétit à assouvir avant l'aube et qu'elle ne pouvait pas se permettre d'exploser son quota de calories en mangeant un truc en entier, aussi incroyablement bon qu'il puisse être.
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À mesure que la journée avançait, les végétaliens les plus torchés erraient dans le Rose Bowl et s'arrêtaient par exemple sur le stand de la brasserie Three Weaver exclusivement tenue par des femmes. L'occasion de faire le plein de Ghostface Killah, une IPA (India Pale Ale) hyper épicée et infusée avec divers piments (serrano, jalapeño, habanero ou ghost chilies ) ou de Golden Road, une bière brune au lait d'amande, très appréciée des vegans qui ne peuvent habituellement pas se soûler avec les stouts qui contiennent du lactose.
Pour autant, le festival reste ouvert à tout le monde et n'est pas réservé uniquement aux vegans. QuarryGirl estime que plus de la moitié des participants n'ont aucun problème avec l'ingestion d'animaux morts ou les différentes sécrétions qui émanent d'eux (n'oubliez pas que je suis moi-même végétalienne et que je me dois donc par conséquent de rester un minimum détestable au sujet de la viande). « C'est super que le festival attire autant de non-vegans. On aimerait leur montrer qu'il est possible de passer un moment incroyable à ripailler avec des boissons et des aliments qui n'ont pas nécessité qu'un être soit tué », a-t-elle ajouté.
Bien plus qu'une bonne excuse pour se soûler avec des bières artisanales fabriquées avec amour, ce festival permet également de créer un sentiment d'appartenance commune. L'idée est aussi de montrer aux personnes omnivores que la communauté vegan n'est pas qu'une association de types bizarres qui font une fixation sur l'élevage industriel d'animaux et qui ne veulent pas donner un peu de leur argent gagné à la sueur du front aux méchantes entreprises qui ne respectent pas les petits animaux. Quelque part, participer à un festival de bière vegan, c'est revendiquer une certaine philosophie tout en assumant le fait que l'on va finir complètement torché.
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J'ai finalement déambulé à travers le stade et ai pu me faire une meilleure impression sur ces drôles d'ivrognes défenseurs des animaux, sur cette communauté de mangeurs de chou. Plus la journée avançait, plus l'état de sobriété des végétaliens se dégradait jusqu'à tomber sur cette scène dont la dimension profondément mystique a finit de me décrocher du monde réel : vers la fin de journée, quelques festivaliers ont fini par dessiner des pénis géants à la craie sur le sol avant de feindre de les sucer tout en plaisantant sur leur incapacité à prendre le volant.Je veux devenir le meilleur pote de ce mec. Party! #lavbf #veganbeerfest
Une photo postée par le LA Vegan Beer & Food Festival (@veganbeerfest)
Celui qui conduit c'est celui qui ne boit pas! #VeganBeerFest Une photo postée par le LA Vegan Beer & Food Festival (@veganbeerfest)
Il s'avère que les vegans aiment autant picoler de la bière qu'ils prennent plaisir à admirer un chaton fair des câlins à un porcelet.#veganbeerfest #buckhornebronze #rosebowl #largenuts
Une photo postée par Nick Murray (@robotmagic)