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Jésus changeait l'eau en vin, ils changent l'urine en bière

Deux chercheurs belges ont réussi à créer une machine capable de transformer l'urine humaine en eau potable qu'ils brassent ensuite pour faire de la bière.

D'après l'un des versets les plus connus de la Bible, Jésus se serait un jour tapé l'incruste dans un mariage à Cana et aurait transformé six jarres d'eau en vin – autant vous dire que si vous ne disposez pas de pouvoirs christiques, ce sera un record assez difficile à battre. À moins de faire appel à Sebastiaan Derese et Arne Verliefde, les deux professeurs de l'université de Ghent, en Belgique, qui ont réussi à créer une machine capable transformer l'urine humaine en eau potable et donc ensuite, en bière.

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Ça va faire plus de deux piges que Derese et Verliefde cherchent comment recréer de l'eau potable, avec ses nutriments, à partir d'urine, dans l'espoir que les fermiers des pays en voie de développement puissent utiliser ces techniques pour fertiliser leurs propres récoltes. En parallèle – et peut-être un peu parce qu'ils sont Belges –, ils se sont dit que ça pourrait être chouette d'appliquer ce procédé au brassage de la bière. Récemment, ils ont trimballé leur « installation », comme Verliefde l'appelle, dans un festival de musique et de théâtre dans la ville de Ghent et sont parvenus à collecter suffisamment d'urine pour produire l'équivalent de 1 000 litres d'eau, laquelle a été livrée à une petite brasserie locale.

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La bière ainsi obtenue sera bientôt mise en bouteille et vendue sous le nom de « From Sewer to Brewer (littéralement, des égouts à la brasserie). On a réussi à choper Arne Verliefde pour parler du but de ses recherches, de ce à quoi ressemble vraiment le goût de la pisse.

MUNCHIES : Vous avez coécrit plusieurs articles sur le procédé de récupération d'eau et de nutriment à partir de l'urine humaine. Comment ces recherches ont-elles commencé ? Arne Verliefde : Elles font partie d'une étude commencée par mon groupe de recherche il y a deux ans. À l'époque, Sebastian Derese et moi-même nous intéressions aux travaux concernant aux techniques de récupération des ressources dans les pays en voie de développement. Récupération qui peut s'avérer primordiale compte tenu de la rareté de certains nutriments dans les sols à certains endroits du globe. Si on regarde le volume d'urine produit par un humain chaque année, et le nombre de nutriments qu'elle contient, c'est suffisant pour fertiliser à peu près 135 kg de plants de maïs chaque année.

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Combien d'urine une personne produit-elle chaque année ? Généralement une personne produit à peu près 2 litres par jour, donc cela fait environ 700 litres par an.

Ça fait pas mal de maïs, tout ça. On s'est dit que si on pouvait récupérer les nutriments, pourquoi pas récupérer aussi l'eau ? On a commencé à travailler là-dessus au labo. Notre installation marchait plutôt bien, alors on a décidé de l'essayer dans de vraies conditions. On s'est dit qu'on la testerait au festival de Ghent car on avait besoin d'un endroit où nous pourrions récupérer beaucoup d'urine. Et puis l'idée est venue de brasser une bière avec l'eau propre produite par notre procédé. En réalité, c'est la troisième version de notre bière que nous allons brasser. La première version était basée sur la récupération des eaux sales d'une brasserie. La seconde allait un pas plus loin : c'est l'eau sale provenant d'une station municipale de traitement des eaux que nous avons filtrée. La troisième version sera la version à base d'urine, « From Sewer to Brewer ». À noter que l'on pouvait déjà acheter la deuxième version de la bière pendant le festival.

Est-ce qu'elle a eu du succès ? Beaucoup de gens étaient intéressés. Pas mal d'entre eux ont essayé. Ma famille a goûté, même si ça a nécessité un petit peu de persuasion.

Quel goût ça a ? Vous avez essayé vous aussi ? C'est franchement assez bon ! Ça a un peu le goût d'une bière assez maltée, comme une bière ambrée. Elle contient environ 7 % d'alcool, donc c'est assez fort.

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Donc en fait, la deuxième version de votre bière est devenue la source de votre troisième version, une fois que tout le monde l'a goûtée et l'a pissée. En effet, il se pourrait bien que l'on retrouve des traces de la seconde dans l'urine que nous avons récoltée.

Expliquez moi comme si j'avais 5 ans, s'il vous plaît : comment transformer de l'urine en eau potable ? Il faut d'abord récupérer l'urine – au festival de Ghent, on a seulement récupéré de l'urine masculine, car on avait besoin de la récupérer séparée des excréments. On l'a récoltée depuis les urinoirs de notre réservoir central, puis nous l'avons chauffée en utilisant de l'énergie solaire. On a alors pu séparer l'eau des nutriments. On a récupéré l'eau propre et les trucs qui restaient, on en a fait une sorte de poudre ou de cristal, qui contient tout le nitrogène, le phosphore et le potassium.

La changer en bière est assez amusant mais ce n'est pas tout à fait la vocation première de cette technologie, pas vrai ? Non, la bière, c'est un peu notre petit gadget – et c'est aussi une manière de s'adonner à une expérience sociale. Une manière d'intéresser les gens à notre projet. Mais le marché principal que nous visons, ce sont les fermiers des pays en voie de développement.

Est-ce que vous travaillez avec une brasserie en particulier pour fabriquer la bière ? Oui, avec De Wilde Brouwers, une brasserie locale de Ghent. Le brasseur est un de nos anciens étudiants. Il brasse les trois versions de la « Sewer to Brewer », et il le fait chez lui, en brassant près de 2 000 litres par mois.

Quand est-ce que la troisième version sera prête ? On a testé l'eau et nous savons qu'elle est bonne, mais elle a besoin d'être testée par l'agence de sécurité alimentaire. Ces tests auront probablement lieu en septembre et après ça, on démarrera le brassage de la bière. On devrait avoir fini à la fin de l'année.