Tequila paf dans le QG de la meilleure équipe du foot mexicain

Aujourd'hui, tous les footballeurs professionnels doivent suivre un régime particulièrement strict – histoire d'avoir une condition physique optimale sur le terrain. C'est normal, ça s'appelle la diététique et si vous jouez 45 matchs de haute intensité chaque année, à moins de vous appeler Diego Maradona, George Best ou André-Pierre Gignac, traîner dans les bars ou les kebabs la veille peut s'avérer handicapant.

Ça n'a pas été toujours le cas. Au milieu du XXe siècle, avant que le concept de « nutrition sportive » ne soit inventé par un sadique et que le sport devienne un truc vraiment sérieux, les stars du Chivas de Guadalajara, accessoirement le club le plus populaire au Mexique, préparaient leurs matchs en s'enquillant quelques shots de tequila dans une cantina locale, Los Famosos Equipales.

Fort de cette mise au vert un peu différente, le Chivas de l'époque, emmené notamment par l'attaquant Salvador « Chava » Reyes, est considéré comme la meilleure équipe de l'histoire du football mexicain. Baptisé , il a remporté 15 trophées, dont 7 titres de champions, sur une période allant de 1957 à 1965.

Cuco travaille à la cantina Los Famosos Equipales à Guadalajara et il est aussi vieux que les meubles. Il se souvient des joueurs du Chivas qui rappelle venaient prendre un petit rafraîchissement le matin de chaque match. « Ils débarquaient vers 11 heures et s'enfilaient un ou deux shots de tequila avant leur match de 11 h 30 », raconte Cuco. « C'était la tradition, une manière de rentrer sur le terrain en se sentant plus léger. »

Depuis sa création, Los Famosos Equipales est le refuge de ceux qui ont un petit penchant pour la tequila du matin. « Le bar a ouvert en 1920. C'était plus un petit magasin où les gens pouvaient venir commander un verre », explique Cuco. « Ils arrivaient à cheval, demandaient qu'on les serve et repartaient au travail ensuite. »

Le nom de la cantina vient des equipales – ces chaises traditionnelles en bois et en cuir fabriquées dans la ville voisine de Zacoalco de Torres – sur lesquelles les clients sont assis.

Devant la popularité grandissante du lieu, les propriétaires ont passé la vitesse supérieure et investi dans une surface plus grande. Avec ses portes de saloon, ses fenêtres barrées et sa peinture blanche écaillée, l'extérieur de la cantina ne dépareillerait pas dans un vieux western spaghetti. À l'intérieur, deux rangées de colonnes en pierre forment des arches jusqu'au plafond. Les murs sont couverts de souvenirs de l'équipe de Chivas, de photos sépia de matadors locaux et de boxeurs. Un jukebox crache de la musique traditionnelle et une tête de taureau, clope au bec, surplombe la salle.

Cuco montre un frigidaire derrière le bar : « Ce frigo a presque 70 ans. Je crois que c'est le dernier en bois à Guadalajara. Mais il ne marche plus donc on l'utilise surtout pour stocker des trucs. » Il pointe ensuite du doigt les tables en métal. « Elles n'ont pas de numéro mais un nom : Pepsi, casa, radio, patio, motor, ça dépend de la forme de la table, à quel objet elle ressemble », explique-t-il. « Les nouveaux serveurs doivent les apprendre par cœur. »

Pas spécialement concernée par la gentrification, la cantina Los Famosos Equipales est un des derniers rades où l'on peut se pinter pour pas cher. Les bouteilles de bière coûtent 25 pesos (soit 1,20 €) et les rangées de shots de tequila vont de 50 à 110 pesos (2,5 à 5,50 $), tout dépend de la marque.

La boisson qui marche le mieux c'est le légendaire cocktail maison « Nalgas alegres » ou « Fesses joyeuses », qui coûte 50 pesos. Il a été inventé il y a 40 ans environ et contient du gin, du rhum, du vin rouge, de soda Orange Crush et du jus de citron vert. Cuco le sert avec une assiette de mini-tortillas accompagnées de riz et de guacamole, un bol de concombres arrosés de citron vert et saupoudrés de tajín. Le cocktail a une sale gueule mais il est excellent. Difficile de savoir par contre si vos fesses sont vraiment heureuses.

Comme dans n'importe quelle cantina à l'ancienne, les serveurs de Los Famosos Equipales apportent des snacks gratuits à chaque tournée ; tranches de jicama, cacahuètes, pop-corn, tostadas (tortillas de maïs frit) avec du fromage râpé et même parfois des soupes ou des poivrons farcis. Il y a aussi des plats, du chicharrón (poitrine ou couenne de porc grillées), de la cecina (charcuterie), des saucisses avec du panela, (fromage blanc mexicain) et des tostadas avec du porc – pied, jarret ou peau – allant de 20 à 60 pesos.

Niveau ballon rond, Cuco est un fan invétéré du Chivas mais concède que les beaux jours de son équipe appartiennent au passé. Il se plaint que le bar ne fait même plus recette les soirs de gros match à la télé. Les rivaux du Club América de Mexico ont depuis doublé Chivas en devenant l'équipe mexicaine la plus titrée. Du côté de Guadalajara, un seul trophée – le championnat – a été remporté depuis que Jorge Vergara a racheté le club en 2002.

Désespéré à l'idée de faire revivre l'âge d'or du Chivas, Vergara a changé d'entraîneur 21 fois en 14 ans, construit un stade flambant neuf, et emmené ses joueurs dans une retraite spirituelle, espérant qu'un shaman les aiderait à redécouvrir les bienfaits du 4-3-3. Rien n'y fait, le succès n'est toujours pas au rendez-vous.

Peut-être qu'il suffirait de se coller un petit coup de tequila.

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