De la pizza dans « Maman, j’ai raté l’avion »
Illustration by Lia Kantrowitz

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De la pizza dans « Maman, j’ai raté l’avion »

L'analyse exhaustive d'un plat mythique dans un film culte – de la scène du livreur à The Pizza Underground.

Maman, j’ai raté l’avion fait partie de cette catégorie de films tellement ancrés dans la culture populaire que vous pouvez y faire référence à n’importe quel moment dans votre vie et tout le monde verra de quoi vous voulez parler. Je n’ai pas vécu le Watergate, mais je sais que Richard Nixon était une marionnette pilotée par plus important que lui. Je n’étais pas né dans les années 1980, mais j’arrive à faire la danse du robot (j’ai encore beaucoup à apprendre, cela dit). Mais quand ma rédactrice en chef m’a demandé d’écrire une analyse détaillée et circonstanciée de la fameuse scène du livreur de pizza dans le film Maman, j’ai raté l’avion, j’ai vécu un grand moment, comme une révélation : j’étais presque certain de ne jamais avoir vu Maman, j’ai raté l’avion. Peu importe puisque je savais exactement de quoi elle voulait parler. Je me suis alors mis en quête d’une copie du film afin de débuter mes recherches et je me suis installé dans mon canapé pour regarder ce chef-d’œuvre cinématographique. Je me suis rapidement rendu compte que je connaissais déjà pas mal de répliques par cœur alors même que je n’avais jamais vu le film jusqu’au bout.

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Dans l’essence, Maman, j’ai raté l’avion est un film qui parle de pizza. C’est une bagarre autour d’une part de pizza entre le personnage de Kévin McCallister, 9 ans (interprété par Macaulay Culkin) et son grand frère Buzz, qui vaut à Kévin d’être envoyé dans sa chambre – où il reste seul, alors que toute sa famille part pour un voyage en France et l’oublie accidentellement. La pizza est donc l’objet du malheur, cette goutte d’eau qui a fait déborder le vase et par laquelle l’intrigue du film est introduite – c’est cette situation autour de la pizza qui sert de point de départ à toute l’histoire du film.

Deuxième occurence de la pizza : cette scène culte avec le livreur qui intervient un peu plus tard dans le film – à 1 minute et 54 secondes, précisément. Si vous n’avez pas maté ce film depuis longtemps (ou pire encore, si vous ne l’avez jamais vu), laissez-moi vous conter la scène : seul, affamé, et ayant déjà fait montre de son insatiable amour de la pizza au fromage un peu plus tôt dans le film, Kévin passe une commande auprès de la pizzeria locale, Little Nero’s. Pour dissimuler son jeune âge et sa vulnérabilité, il met au point un astucieux subterfuge et utilise des extraits d’un vieux film de gangsters (le film noir fictif Angels with Filthy Souls) pour mener, à distance, l’interaction avec le livreur. Par chance, une violente scène liée à un trafic de stupéfiants du film présente des dialogues adaptés à cette interaction, et Kévin s’en sert pour communiquer et réaliser la transaction, en jouant avec des avances et des retours rapides pour tomber sur les répliques de son choix.

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Le plan se déroule sans accroc. Lorsque le livreur – le même qui avait déjà apporté des pizzas plus tôt dans le film – arrive, il trouve une note qui dit « Porte de derrière, SVP ». Ledit livreur se dirige donc vers la porte de derrière, frappe, et est accueilli par la voix de vétéran du gangster, « Johnny », une espèce de tueur sans merci, héros du film Angels with Filthy Souls.

Johnny : Qui est-ce ?
Le livreur : C’est le livreur, Monsieur. J’amène votre pizza.
Johnny : Dépose-la sur le pas de la porte et fous le camp.
Le livreur : OK. Voilà. Et pour mon argent ?
Johnny : Quel pognon ?
Le livreur : Il faut bien que vous payiez votre pizza.
Johnny : Tu en es sûr ? Combien faut-il que je te donne ?
Le livreur : Ça fait 11,80 dollars.
[Là, Kévin fait passer 12 dollars par la chatière]
Johnny : Tu peux garder la monnaie, ça ne me dérange pas.
Le livreur : Sale rapiat.
Johnny : Eh. Tu vas avoir droit à dix petites secondes pour déplacer ton gros cul dégueulasse hors de chez moi. Sinon, je te plombe les boyaux avec du calibre 12. Un, deux… dix !
[La télé crache alors un bruit de tirs, et le pauvre livreur de pizza se précipite jusqu’à sa voiture, regrettant le calme et la prospérité de la banlieue nord de Chicago.]

J’ai peut-être prononcé le « Tu peux garder la monnaie… » en même temps que ce bon vieux Johnny. C’est la scène de film de Noël la plus emblématique de ma génération. Et c’est sans doute la scène de pizza la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma. C’est pour cette raison que je me suis lancé dans de profondes recherches pour tout savoir sur cette scène.

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LE CONTEXTE

Les McCallister sont riches. Ce n’est jamais dit clairement, mais la qualité de vie du quartier dans lequel vit Kevin est implicite ; elle sert à créer un monde quelque peu fantastique où les personnages peuvent se consacrer aux scènes de la vie quotidienne sans avoir à se soucier des inquiétudes de l’existence. Les problèmes existentiels de Kévin – et ceux de Macaulay Culkin dans la vraie vie – viendront bien plus tard. D’après John Muto, le chef décorateur sur Maman, j’ai raté l’avion, « Les films de John Hugues se déroulent dans un monde particulier. Il est évident qu’ils n’allaient pas être pauvres. »

Cette prospérité se reflète dans la grande maison de la famille, en brique, au style géorgien et richement équipée – qui a d’ailleurs été vendue en 2012 pour près de 1,6 millions de dollars. Jacolyn Bucksbaum (anciennement Baker), la régisseuse générale qui a trouvé la maison, m’a confié que même si, en choisissant cette maison en particulier, le but recherché n’était pas forcément de montrer que la famille de Kevin était pleine aux as, elle a insisté sur le fait que « la famille emmenait tout de même neuf personnes à Paris pour Noël, bon sang. »

Le village de Winnetka, dans l’Illinois, se trouve être la commune la plus riche de l’État. Et plus important, c’est un endroit fabuleux pour des enfants comme Kévin McCallister. Avant d’écrire cet article, j’avais entendu parler de Winnetka dans le bouquin de Jonathan Kozol, Savage Inequalities, une œuvre monumentale sur la politique éducative, qui condamne l’immense différence de qualité entre les écoles des quartiers riches et celles de quartiers pauvres. Au sujet des élèves de la New Trier High School de Winnetka, Kozol dit que « lorsqu’ils arrivent en troisième… ils sont dans un monde où les possibilités académiques dépassent de très loin les rêves et les espoirs de la plupart des gamins de Chicago. » Et pour la ville : « Le Washington Post la décrit comme ‘une commune de petites routes bordées d’arbres qui abritent des petits oiseaux aux charmants gazouillis, peuplée de maisons ornées de colonnes blanches.’ C’est, selon les mots d’un étudiant, ‘un joli coin où règnent les érables et la courtoisie’. »

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Tout ça pour dire que Kévin McCallister n’avait probablement connu que très peu de difficultés dans sa vie avant de se retrouver seul dans cette situation délicate. Et c’est la défense de ce confort, de cette tranquillité domestique et de la majestueuse demeure, à l’éclairage époustouflant, de sa famille, qui rend la bataille de Kévin, souvent violente, absolument compréhensible. Muto, qui a également travaillé sur Maman, j’ai encore raté l’avion, m’a expliqué que bon nombre des réactions négatives émises au sujet de la suite de Maman, j’ai raté l’avion pouvaient être attribuées au fait que, cette fois-ci, Kévin n’avait plus de noble cause à défendre, comme celle de protéger sa maison, par exemple, et que c’était la raison pour laquelle il se livre à une violence injustifiable.

Le cadre luxueux dans lequel le film se déroule explique en partie pourquoi la pizza est si chère. Une pizza au fromage de chez Little Nero’s, la pizzeria fictive du film, coûte 11,80 dollars. De nos jours, cela peut paraître raisonnable pour une pizza, mais à l’époque du film, en 1990, c’était plutôt cher payé. Muto – qui était en charge de dessiner le logo sur la boîte à pizza de Little Nero’s – m’a confirmé que le nom de la pizzeria était un jeu de mots avec Little Caesar’s [ Une franchise américaine de pizzerias, N.D.L.R.]. Malgré de nombreux coups de téléphone passés aux bureaux de Little Caesar’s, je n’ai pas pu retrouver le prix de leur pizza au fromage, mais j’ai trouvé de nombreux spots publicitaires pour une promotion nationale de Little Caesar’s datant de 1990, qui proposaient deux pizzas moyennes avec huit ingrédients pour un total de 8,88 dollars. Les McCallister balançaient donc leurs tunes par les fenêtres.

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Même si la maison en jette dans le film, toutes les images d’intérieur ont été tournées sur des plateaux construits dans le gymnase de la New Trier High School, qui était fermée pendant cette période. Cela a donc demandé que la célébrissime scène du livreur de pizza soit filmée à deux endroits différents, et en deux occasions différentes. La partie avec le livreur a été tournée à l’extérieur de la maison des McCallister, même s’il convient de préciser que la porte d’entrée qu’on voit a été ajoutée spécialement pour le film. Comme si celle qu’il y avait n’était pas assez grandiose… Et les scènes avec Kévin, à l’intérieur de la cuisine, ont été tournées en plateau, dans le gymnase de l’école. Dans les deux cas, l’acteur ne s’adressait à personne – ce qui montre que le gamin et l’adolescent inconnu avaient quand même un sacré niveau (c’est moins ça lorsque le livreur prend la fuite).

LA PIZZA

Comme l’a dit Muto, Little Nero’s était censé être un jeu de mots en référence à Little Ceasar’s. Mais allons un peu plus loin. Nero, Néron, en français, était empereur à Rome, au premier siècle après Jésus-Christ, entre les années 54 et 68. Il existe des parallèles importants entre l’histoire de Néron et celle de Kévin McCallister. Après avoir été envoyé dans sa chambre en guise de punition suite à la bagarre de la pizza, Kévin renie sa famille. Le reste du film est le « voyage » qui conduira Kévin à se rendre compte que la famille est plus importante que de la pizza, des jouets ou toute autre erreur de jeunesse. Mais pendant ce processus, il va presque détruire sa maison, le domaine familial dont il a temporairement la charge.

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Néron a également hérité du contrôle du domaine familial – l’Empire romain, dans son cas – à un très jeune âge. Mais il n’a pas connu autant de réussite que Kévin dans la protection du domaine qu’on lui avait confié ou de sa famille. Il a fini par ordonner l’assassinat de sa propre mère, dont l’autorité excessive sur son jeune fils est arrivée jusqu’à nos jours comme un prétexte à ce matricide. Aussi, pendant le règne de Néron, le grand incendie de Rome a détruit une part importante de l’ancienne ville. Depuis, la légende dit que Néron lui-même aurait provoqué le départ de ce feu, et qu’il aurait passé toute la durée de l’incendie à jouer du violon, heureux. (D’où le slogan de la pizzeria fictive : « No fiddlin’ around ! » [ un excellent jeu de mots fort difficile à traduire, mais très littéralement, cela pourrait donner quelque chose comme : « Pas là pour ‘violoner’ inutilement ! », N.D.T.])

Est-ce que cette référence historique devait marquer le parallèle avec la difficile tâche qui incombait à Kévin, la protection de son territoire familial, et corriger les liens qui l’unissaient à sa famille ? Est-ce que la première apparition de la voiture de Little Nero’s était une subtile mise en garde destinée à Kévin afin qu’il ne devienne pas un tyran, à l’image du tristement célèbre empereur romain ?

D’après John Muto, pas le moins du monde. « C’était juste une référence à Little Caesar’s, » a-t-il répliqué, d’un ton relativement détaché. Il a sans doute raison. Mais qui sait ce que John Hugues avait en tête (Paix à son âme).

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À aucun moment on ne voit la pizza dans la scène en question, mais on peut voir les produits de Little Nero’s au début du film. J’ai consciencieusement inspecté la pizza, et je me suis demandé si c’était normal qu’une famille de Chicago commande une pizza qui ne soit pas la classique deep dish, spécialité de la cité des vents. Pour répondre à cette question, j’ai contacté Liz Barrett, autrice de Pizza, A Slice of American History.

« Tous ceux qui vivent à Chicago savent que les gens du coin ne commandent pas de deep dish, » m’a-t-elle lancé. « C’est vraiment un truc de touristes. » Mais il y a une lubie locale avec la pizza du Midwest : c’est la coupe carrée : une pizza ronde coupée en morceaux carrés.

À titre personnel, je trouve que cette coupe est une abomination. Toutes les parts intérieures se retrouvent sans le moindre petit bout de croûte, ce qui les rend absolument indésirables et compliquées à tenir. De plus, la différence entre les parts intérieures et celles de l’extérieur écarte toute possibilité d’avoir une expérience égalitaire de la pizza. Ce repas est censé créer une situation d’égalité, mais une pizza dont certaines parts sont clairement meilleures que d’autres donnera lieu à une disparité des satisfactions. Les McCallister semblaient être bien conscients de cela, et leur pizza était donc coupée en parts triangles. Dieu merci. Après tout, ils ne semblent pas être le genre de famille à se laisser ennuyer par des traditions locales. Ils sont cosmopolites. Le genre de famille qui s’envole pour Paris si distraitement qu’elle en oublie un de ses enfants.

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D’après le chef accessoiriste de Maman, j’ai raté l’avion, Billy Dambra, qui travaille surtout à Chicago, il a tout de même fallu faire attention à la manière dont allaient être coupées les pizzas : « Si on ne le demande pas spécifiquement, ils vous la coupent en carrés, » m’a-t-il dit. « J’ai dit : ‘faites la pizza, je la couperai moi-même.’ […] Je ne les ai pas laissés la couper. »

La première question qui m’est venue à l’esprit : « C’était donc une vraie pizza ?! » Je sais que les accessoiristes peuvent être très créatifs. Il se trouve que c’était une vraie pizza, et il m’a assuré que « 99% de celles qu’on voit dans les films sont des vraies ».

Et on en avait beaucoup. Car être à court de pizza aurait été catastrophique pour un chef accessoiriste comme Billy Dambra. « Je travaille aussi avec les armes, » m’a-t-il expliqué. « Et ça aurait été comme de monter une fusillade et de me retrouver sans munitions. Je serais allé pointer au chômage. Bon. C’est pareil pour la nourriture […] J’avais commandé une bonne vingtaine de pizzas. »

Je me demandais ce qui avait bien pu arriver à toutes ces pizzas. « L’équipe les a bouffées, » m’a dit Dambra. Un véritable festin de pizza pour un film de pizza.

Même si Billy Dambra ne se souvenait pas exactement où il avait commandé les pizzas, Julio Macat, directeur de la photographie, avait une intuition : Piero’s, tout près de là, à Wilmette, Illinois. Le restaurant existe toujours, et quand je les ai appelés, une femme du nom de Mary a confirmé qu’ils étaient déjà ouverts en 1990, et qu’ils étaient même l’une des rares pizzerias du coin. Mais elle ne se rappelait pas avoir envoyé 20 pizzas sur un tournage de film, parce qu’à l’époque, c’était sa sœur qui dirigeait le restaurant. Et par défaut, ils font la coupe carrée. (Pouah !)

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La pizza était vraie, et non un accessoire artificiel, toutefois, Julio Macat avait fait quelque miracle cinématographique pour l’améliorer. On ne voit jamais Kévin ouvrir la boîte de sa pizza, mais cette scène précise avait pourtant été filmée. Et si elle n’avait pas été coupée au montage, on aurait vu une petite fumée – indice clair de délice en perspective – s’échapper de la boîte qu’il ouvrait. D’après Julio Macat, c’était « un peu de fumée d’une machine à fumée de l’équipe des effets spéciaux, » afin d’« améliorer le côté fantastique de la pizza. » Il tenait ce truc des pubs pour produits alimentaires.

Parlons maintenant de la conduite imprévisible du livreur. John Muto m’a dit que l’objectif était de se moquer de la promesse, de moins en moins de rigueur, faite par ces pizzerias qui annoncent « une livraison rapide ou un remboursement ». Cette garantie, m’a-t-il dit, « c’était plutôt sympa, jusqu’à ce que les livreurs commencent à avoir des accidents, parce que les gamins au volant des véhicules de livraison provoquaient des accrochages en essayant d’arriver avant les 20 minutes contractuelles. Et c’est ce qui se produit dans le film. » La voiture de livraison de Little Nero’s cartonne par deux fois la statue qui est sur le gazon devant chez les McCallister.

En 2015, pour célébrer les 25 ans de Maman, j’ai raté l’avion, UberEATS a livré des pizzas Little Nero’s à ses clients de la région de Chicago.

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LE FILM DE GANGSTERS

En 2015, Vanity Fair a publié un excellent article au sujet de Angels with Filthy Souls — le faux film de gangster que Kévin utilise pour commander une pizza au début du film. Au sujet de ce film dans le film, on peut signaler le fait qu’il a été tourné en un seul jour, et que le titre a immédiatement été trouvé, en hommage à Angels with Dirty Faces, lorsque le directeur artistique s’est rendu compte que l’équipe avait besoin d’un nom à écrire sur l’étiquette de la VHS. (« Julio Macat est toujours très content de voir comment Snakes meurt face à la caméra et continue d’être criblé de balles, face contre terre, » constitue peut-être la phrase de l’article de Vanity Fair qui évoque le mieux la folie de ce faux film.)

Mais Billy Dambra m’a aussi fièrement révélé que la mitrailleuse du faux film était vraie, et qu’elle lui appartenait. « C’est une véritable Thompson 911. Ce flingue vaut un paquet d’argent. Avant, j’avais beaucoup d’armes. » Je n’ai pu trouver aucune preuve de l’existence d’une arme appelée Thompson 911, mais c’est peut-être pour ça qu’elle vaut si cher.

Le subterfuge qui consiste à voir Kévin utiliser les personnages du film dans son interaction avec le livreur a donné lieu à sa propre histoire. Les Soundboards sont des applications d’Adobe Flash ou des programmes qui contiennent de nombreuses citations préenregistrées, généralement tirées de films, et organisées dans une espèce de clavier pour être jouées au besoin dans une conversation simulée. Au début des années 2000, les canulars téléphoniques réalisés à l’aide de cet outil – et en utilisant principalement les répliques de Schwarzenegger dans Terminator – sont devenus un phénomène de mode. Je n’ai trouvé aucune trace de cette pratique avant la sortie du film Maman, j’ai raté l’avion. Est-ce que Kévin McCallister est à l’origine des canulars téléphoniques ?

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LE LIVREUR

On ne pourrait pas se livrer à une étude en profondeur de « la scène mythique de la pizza » sans essayer de retrouver Dan Charles Zukoski, l’acteur qui incarnait le livreur. Dans le film, on découvrait un jeune homme un peu gauche et niais, mais qui affichant néanmoins une confiance en soi absolument adolescente. Il était le livreur de pizza de film américain par excellence. Et 27 ans plus tard, il a prouvé qu’il était un personnage des plus furtifs.

Souvent, quand une personne célèbre cesse d’être célèbre ou qu’elle sort de sous les projecteurs, les gens tiennent pour acquis qu’elle est décédée. Une recherche du nom de l’acteur sur Google renvoie presque exclusivement vers des discussions où les gens se demandent s’il est mort. Il a eu quelques petits rôles dans des films du début des années 1990 que l’on peut retrouver sur IMDB, tout comme un autre acteur du nom de Dan Charles, dont le second assistant-réalisateur Geoffrey Hansen a dit qu’il l’avait noté comme le nom professionnel du type. Hansen avait aussi noté le numéro de téléphone de la mère de l’acteur (j’ai appelé ; numéro pas en service), le numéro de l’acteur (pas en service), et le numéro d’un agent du nom de Wayne, de l’agence Neuvelle, basée à Chicago (cul-de-sac, numéro pas en service).

Bucksbaum, qui a travaillé avec John Hugues sur plusieurs films, se souvenait que le célèbre réalisateur avait l’habitude de prendre des gens au hasard au sein de l’équipe, ou parmi leurs proches, pour jouer des petits rôles. Elle pensait que Zukoski aurait pu bénéficier de cette pratique : « J’ignore si c’était un proche de quelqu’un de l’équipe, mais je ne pense pas qu’il s’agissait d’un acteur professionnel, » m’a-t-elle dit. « C’était un gamin rigolo. »

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Les autres membres de l’équipe de production avec qui j’ai discuté semblaient tous avoir gardé une certaine tendresse à l’égard de ce mec, mais celui-ci n’était plus qu’un lointain souvenir pour chacun d’entre eux. L’un des membres avait emporté, et possède toujours, la veste de chez Little Nero’s que porte Zukoski dans la scène, mais il a demandé à garder l’anonymat étant donné qu’un jour, la société de John Hugues avait menacé d’intenter un procès pour un autre accessoire.

J’ai envie de croire que Zukoski n’est pas mort, mais qu’il a plutôt laissé tomber le cinéma pour vivre une vie plus normale. Qu’il a fui les turpitudes de la vie des enfants stars pour prendre la route d’une vie d’adulte équilibrée. On ne peut pas vraiment en dire autant pour Macaulay Culkin.

MACAULAY CULKIN

Macaulay Culkin est l’enfant star par excellence, et son histoire est justement la vie d’un enfant star portée à son paroxysme. Pas besoin d’entrer dans les détails, mais comme souvent, lorsque la célébrité est arrivée très tôt, elle a volé à la star en culotte courte la possibilité de vivre une enfance normale. Et Macaulay Culkin a finalement tenté de se retirer de sous le feu des projecteurs.

Aujourd’hui, il est devenu adulte, mais il semble avoir gardé un certain attrait, plutôt bizarre, pour la pizza. En 2013, Culkin sortait son premier « film » depuis des années : une vidéo Youtube de 4 minutes et 27 secondes intitulée « Macaulay Culkin mange une part de pizza ». Le titre dévoile toute l’intrigue.

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Il s’est avéré que la vidéo était un acte promotionnel pour son nouveau groupe, , qui est désormais… de façon un peu ambiguë… mort. À l’époque où la vidéo est sortie, le groupe a enregistré une démo et fait quelques concerts lors desquels ils ont joué principalement des parodies de chansons du Velvet Underground, dont les paroles avaient été modifiées pour coller au monde de la pizza. En 2014, The Pizza Underground a sorti un clip (via Noisey), avec un papier peint motif pizza des plus étranges, des pizzas qui pendaient du plafond, des pizzas qui servaient de masques, et un percussionniste qui jouait sur une boîte à pizza.

J’ai essayé de contacter Macaulay Culkin, ce qui m’a conduit à entrer en contact avec les Pizza Underground. Il se trouve qu’ils sont amis avec un de mes potes. Mais ils n’ont pas souhaité parler, et m’ont dit que pour atteindre leur célèbre leader, je devais passer par son agent. Ajoutant qu’ils n’avaient plus de nouvelles de lui depuis un petit moment. Ils semblaient vouloir le protéger.

Et à juste titre. Les tabloïdes ont toujours émis des tas d’hypothèses, et se sont parfois montrés très discourtois à l’égard de Macaulay Culkin et de sa vie après son enfance de star. Est-ce que son obsession pour la pizza est une tentative de retrouver une enfance ? Ou de revisiter quelque chose qui est si puissamment associé à ses premières années de vie et de carrière que cela pourrait lui permettre de trouver un sens à une enfance si compliquée ?

La pizza est un plat particulièrement favorable à la nostalgie. D’après Barrett, l’experte en pizza : « Quand on est enfant, on associe la pizza avec tous les trucs cool. En grandissant, cela ne nous quitte pas. On se souvient des sentiments agréables de confort et de sécurité que l’on avait étant enfant, alors qu’on mangeait une pizza en famille. »

L’époque où Maman, j’ai raté l’avion a été produit est sans doute le dernier moment où Macaulay Culkin a eu l’impression de vivre une vie normale. Même s’il avait déjà fait des apparitions dans des films à succès, la sortie de Maman, j’ai raté l’avion l’a vraiment propulsé du statut de « petit garçon » à celui de « super star de cinéma ». Pendant le tournage, personne ne peut affirmer avec certitude si Culkin était heureux ou non. Bon nombre des témoins qui étaient sur le tournage, et avec qui j’ai pu parler, se souvenaient d’avoir vu son père agir de façon étrange et autoritaire. Mais au moins, à l’époque, Macaulay Culkin était encore un enfant. Et surtout, il mangeait plus de pizza que la plupart des gosses que je connais.

J’espère que je me trompe, que Macaulay Culkin kiffe sa vie, et qu’il aime toujours sincèrement la pizza. Mais le fait est que la pizza peut véritablement être un moyen de se réfugier hors du monde des adultes pour ceux d’entre nous qui en ont besoin, de même que les films de notre enfance.

Maman, j’ai raté l’avion représente ces deux trucs en même temps : un film chaleureux tiré d’une époque où tout était plus simple, et la pizza. Ça ne parle pas de pizza. C’est de la pizza. Peut-être que cela explique la force qui émane de ce film, encore aujourd’hui.

Autrement, je ne vois pas pourquoi Maman, j’ai raté l’avion est toujours aussi populaire. Parce qu’il n’y a vraiment pas de quoi en faire un fromage. BAM !

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