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Les boulangers-pâtissiers répondent à Jean-François Copé

On a demandé aux premiers concernés quelle gueule aurait un pain au chocolat s’il était vraiment vendu « entre 10 et 15 centimes d’euros ».
Alexis Ferenczi
Paris, FR

Jean-François Copé et le pain au chocolat, c'est une saga qui dure. Invité sur Europe 1 lundi 24 octobre, le candidat de la primaire de la droite et du centre répondait aux questions posées par les internautes – relayées par Thomas Sotto. Le député-maire de Meaux était plutôt à l'aise dans ses baskets jusqu'à ce qu'on lui demande ; « combien coûte un pain au chocolat ? ».

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Interro surprise. Jean-François Copé rigole parce que niveau chocolatine, il s'y connaît. En 2012 déjà, il avait dénoncé les vols de pains au choc' et ses « parents d'élèves traumatisés parce que leur fils s'est fait arracher son goûter au motif qu'on ne mange pas pendant le Ramadan. » Il pouffe peut-être aussi en pensant à Nathalie Kosciusko-Morizet qui s'était affichée avec son ticket de métro à 4 euros. Du coup, il vise un peu plus bas.

« Je n'en ai aucune idée, ça dépend des tailles », dit-il pour assurer ses arrières avant le grand saut. « Je dirais entre 10 et 15 centimes ».

Tollé et cris d'orfraie sur Twitter. Ça monterait presque des cagnottes Leetchi pour lui acheter des pains au chocolat. Jean-François Copé tente de se rattraper aux branches comme il peut. C'est le buzz politique de la journée et une preuve supplémentaire que les hommes politiques ne vont plus trop à la boulang'.

J'avoue être très soucieux de ma ligne … Donc pour dire vrai j'ai arrêté les "chocolatines" depuis longtemps ! #E1Copé pic.twitter.com/4tKZXO8g7c

— Jean-François Copé (@jf_cope) October 24, 2016

« Si vous faites du pain au chocolat industriel comme certaines grandes surfaces, vous pouvez vous en tirer », explique Raoul Maeder, à la tête de la Boulangerie-Pâtisserie Alsacienne, boulevards Berthier et Haussmann à Paris. « Il suffit de prendre de la margarine à la place du beurre et de la farine de Pologne. Je ne sais pas s'ils en ont semé à Tchernobyl mais ça doit pousser plus vite », poursuit-il. « Vous ajoutez des additifs et un chocolat qui n'en est pas vraiment un – parce qu'il est blindé d'huile de palme. Résultat, vous avez un truc bien crade. »

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Dans la réalité, le prix des pains au chocolat varie selon que vous êtes au Lenôtre de Bastille (2 euros) ou dans la boulangerie du quartier (1,10 euro en moyenne). Certains petits malins trouvent même des packs en promo qui se rapprochent du tarif à l'unité avancé par Copé.

Fin de la recréation : 11,9 centimes le pain au chocolat chez LIDL.. #SauvonsCopé #Copé pic.twitter.com/UsfnTvxMKy

— tozz story (@TozzStory) October 24, 2016

À la chambre professionnelle des artisans boulangers-pâtissiers, on en rigole encore. « Même un industriel ne pourrait pas vendre à ce prix-là. Cela ne correspond à rien. C'est triste », soupire Arnaud Delmontel. Lauréat du 1er Prix de la meilleure baguette en 2007, le boulanger-pâtissier établi rue des Martyrs et dans trois autres adresses de la capitale, participe cette année au concours de pain au choc' organisé par le Salon du chocolat à Paris. « Je pense qu'un bon pain au chocolat, c'est-à-dire avec du beurre AOP, de la farine de qualité et du chocolat qui n'a pas le goût de sucre, c'est un savoir-faire. Un savoir-faire qui vaut plus que la somme avancée par M. Copé. Je suis peiné de voir que les hommes politiques qui parlent continuellement d'apprentissage n'en connaissent pas la valeur. »

C'est une preuve que le monde politique est déconnecté de la réalité.

« Pour faire un bon pain au chocolat, il faut de bonnes matières premières, mais aussi des compétences », souligne-t-il. « Les pains, quand ils sont faits de manière artisanale, sont roulés et coupés à la main. Il faut tourner la pâte sur le tour, la table où l'on fabrique la pâte, et commencer à travailler à 4 heures du matin pour qu'ils arrivent chauds en vitrine à 7 heures Et le dimanche, le travail coûte plus cher encore. C'est une preuve que le monde politique est déconnecté de la réalité », ajoute Arnaud Delmontel.

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« Pour mes pains au chocolat, je travaille avec du beurre Montaigu et de la farine en provenance de Chartres », précise Raoul Maeder. « Tout ça représente un coût auquel vous devez ajouter d'autres facteurs. Le salaire du viennois ou du tournier qui travaille la pâte, celui de la personne qui va vendre le produit, le prix de l'emballage, du loyer, de l'électricité. Bref, c'est une aberration », conclut-il.