Dans l'univers scato des restaurants à dim sum de Hong Kong

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Dans l'univers scato des restaurants à dim sum de Hong Kong

Sans qu’on m’y ait vraiment encouragé, je décide de planter ma baguette dans le cul du dim sum alors qu'une épaisse giclée de chocolat fondu se répand dans le panier en bambou.

À Hong Kong, le Yum Cha – qui veut littéralement dire « Allons manger des dim sum » en Cantonais – est un sport national. Ici, tout le monde connaît ses gammes et le nom de chacune de ces petites bouchées chinoises par cœur. La ville est pleine de restaurants spécialisés qui se tirent la bourre à qui fera les meilleurs vapeurs. Du coup, les chefs hongkongais rivalisent d'ingéniosité pour se démarquer et impressionner les mangeurs locaux.

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Le dernier truc à la mode, c'est le dim sum customisé – de la brioche lookée Hello Kitty au ravioli fourré de brie à la truffe. Le resto Dim Sum Icon fut parmi les premiers à se jeter dans la bataille et à investir dans l'adorablement immonde.

Ray Kuo, directeur assistant du resto, explique ce choix : « On ne voulait pas faire des dim sum traditionnels chinois. On trouvait ça assez chiant. On voulait en faire quelque chose de branché. »

Dim Sum Icon - Interior

La déco Dim Sum Icon. Toutes les photos sont de Dim Sum Icon.Gudetama

Le resto – qui, vous l'aurez compris, force un peu pour que l'on parle de lui – accouche donc d'une carte assez spéciale, librement inspirée par ces personnages de dessins animés japonais qui font un tabac à Hong Kong, comme (l'œuf paresseux) de chez Sanrio (la compagnie derrière Hello Kitty) ou le terrible clan Kobito inventé par l'illustrateur Toshitaka Nabata (il s'agit principalement de mecs en justaucorps déguisés en fruits et légumes).

Honnêtement, j'ai beau avoir vécu toute ma vie à Hong Kong, je ne sais toujours pas pourquoi les gens kiffent autant ces personnages.

Pooping Chocolate Bun

Une vidéo publiée par Food Queen ? (@indofoodiegirl) le 5 Août 2016 à 22h20 PDT

Les plats du Dim Sum Icon cartonnent chez les drogués d'Instagram. Ici, le resto invite ses clients à tripoter leur bouffe et à la shooter autant qu'ils veulent. Puisqu'il suffit de reverser une petite partie des bénéfices aux créateurs pour s'en accorder les droits de reproduction, la thématique change tous les trois mois : généralement, les créations s'inspirent d'autres personnages de Sanrio comme Little Twin Stars, par exemple. Le concept cartonne si bien que parfois, les clients attendent jusqu'à 90 minutes pour avoir une table.

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Dim Sum Icon - Interior 3

Des statues à l'effigie de Kobito, le personnage terrifiant inventé par Toshitaka Nabata, partout dans le resto.Kobito

Pour manger dans ce restau un peu chelou, coincé au sous-sol d'un immeuble de bureaux, il faut se tenir prêt à affronter les nombreuses affiches, statues et figurines de ou de Gudetama qui vous matent avec inquiétude alors que vous dégustez leurs représentations comestible. Dans le fond, un documentaire qui explique comment chasser le Kobito passe à la télévision. Le service rapide, c'est l'essence même de n'importe quel bon restau de dim sum et ici, la nourriture arrive ici à un rythme foudroyant : en 10 minutes, ma table est couverte de paniers vapeur en bambou avec des raviolis roses en forme de sein et des gâteaux d'avoine en forme de crotte. Un poster de Kobito – ou plutôt, d'un mec prisonnier d'une combinaison en forme de pêche –, me toise du regard avec des yeux vides et sans âme.

Une vidéo publiée par Brenda Ng? (@bigwidesmile) le 8 Août 2016 à 1h59 PDT

Je commence la dégustation avec l'une des pièces les plus célèbres du restaurant : un Kobito rose au lait de coco : une version « vomi » des traditionnels lai wang bao (les brioches vapeur). On me dit d'enfoncer une baguette dans la bouche du personnage imprimé sur le « bao » et je m'exécute, mortifiée. Il n'y a rien qui ne puisse un jour vous préparer au jet de mousse qui se déverse de l'orifice que vous venez de creuser. Ni à l'étrange sentiment de satisfaction qu'il provoque chez vous. Ma voisine fait semblant de ne pas avoir immortalisé l'incongruité de la scène sur Snapchat. La première bouchée a pour effet d'envoyer de la garniture partout – et c'est assez surprenant.

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Dim Sum Icon - Oatcake

Des gâteaux d'avoine en forme de crotte.Gudetama –

Lequi arrive sous la forme d'une brioche jaune fourrée au chocolat – sera, ce jour-là, ma prochaine victime. Sans qu'on m'y ait vraiment encouragé, je décide de planter ma baguette dans le cul du dim sum. Un acte qui entraîne une scène digne d'un mauvais film scato alors qu'une épaisse giclée de chocolat fondu se répand dans le panier en bambou. Celui-là me dégoûte presque et je reste assez surprise par la quantité de liquide qui peut tenir dans l'intérieur d'une brioche. Je suis carrément obligée de boire à même le postérieur du petit œuf qui, du coup, fait la gueule. J'abandonne à la moitié : c'est beaucoup trop sucré et je ne me remets pas de cette vision d'horreur.

« En fait, on a énormément d'avis positifs sur ces dim sum personnalisés », raconte Kuo. « Ce sont ceux que les gens publient le plus sur Facebook ou Instagram. »

Dim-Sum-Icon---Coconut-Milk-Bun

Une brioche vomissant du lait de coco.sakura.

D'autres plats suivent mais, hélas, ils ne donnent pas autant à jouer avec. Les gâteaux d'avoine sont une combinaison assez déroutante de crackers de riz salé et de lait concentré. Cela ne m'empêche en rien de me ruer sur les raviolis aux champignons et à la truffe sans arrières-pensées.Dim Sum Icon sert ses dim sum classiques et ses raviolis aux crevettes avec un sorbet au fruit de la passion, des bières au On trouve aussi sur la carte d'autres plats à base de riz, beaucoup moins controversés.

Alors que je paie l'addition et que je crapahute vers la sortie, je réalise déjà que dans quelques heures, je ne me souviendrai probablement même pas du goût de ce que j'ai mangé. Ce n'est pas que la bouffe est mauvaise mais pour des dim sum lambda, c'est un peu cher payé. Le côté « personnalisé » ne m'a vraiment pas convaincu. Il apparait évident que le but premier du Dim Sum Icon et de la plupart de ces nouveaux restaurants qui fleurissent à Hong Kong, c'est de chercher à buzzer sur les réseaux sociaux . Je ne vois pas vraiment de problèmes à ça, c'est humain, mais dorénavant, je sais juste que je vais devoir vivre avec cette image angoissante d'une bouchée vapeur en train de gerber ses entrailles. Et il faut avouer que c'est assez traumatisant.